mone, et je ne l'ai pas jete. Je l'ai meme rapporte
avec moi, et, pour que vous n'ayez aucune envie de me railler, ma chere
ame, je vous avouerai que je l'ai mis avec des fleurs que vous m'avez
donnees autrefois et que j'ai toujours precieusement gardees. C'est un
souvenir de jeunesse que je veux meler a nos souvenirs d'amour.
[Illustration]
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PROSE DE PAQUES
Tandis que, dans mon jardin, deja, une verdure tendre suit, d'une vapeur
d'emeraude, le squelette des arbustes, qu'aux cimes des lilas, de
petites grappes de rubis se degagent des feuilles pales et serrees, que
les pousses nouvelles des fusains nuancent de fleches jaunes leur masse
sombre, qu'a terre les bordures s'emaillent, epaissies, piquees ca et la
de petites fleurs sauvages, je sais, dominant ce menu paysage, un grand
peuplier encore marque au sceau de la desolation hibernale. Son tronc
noir monte droit dans le ciel et se separe tres haut en brins formant
comme un fuseau dechiquete. Ces petites lignes noires et precises
tracent, sur l'azur indecis d'avril, comme un dessin a la plume, une
facon d'arabesque extremement delicate. Sur un point seulement, une
touffe met une bavure d'estompe, une sorte de pate comme en pose sur
leur cahier la maladresse des ecoliers. Au premier abord, vous croiriez
le gui sacre que nos aieux des Gaules ne fauchaient qu'avec une serpe
d'or. Et, dans la prairie large qu'emplit la solitude exquise et
silencieuse du matin, le reve evoque volontiers l'image de Velleda la
vierge aux jambes nues, le corps agite de prophetiques frissons, et,
plus que jamais, sous le casque ardent de sa chevelure, meditant les
destins obscurs de la terre douce et feconde ou s'achevent les gloires
de la race. Car c'est plus que jamais qu'il les faut invoquer ces
tutelaires genies du sol natal, ces dieux longtemps endormis dont la
pitie marquait d'un signe les peupliers et les chenes, patrons agrestes
des ancetres au coeur viril dont le sang tarit dans nos veines!
Mais non! Moi qui connais, dans ses moindres details, le petit coin
de nature ou je vis, je sais fort bien ce qu'est cette houppe sombre
accrochee a la nervure tourmentee de l'arbre eplore, dont les souffles
mauvais de la lune rousse courbent la tete flexible. J'en ai vu partir,
l'an dernier, un peu plus tard, il est vrai, une volee de ramiers, de
ces ramiers confiants de banlieue que l'inexperience des chasseurs
dominicaux prendra pour des pigeons domestiques, et que
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