branche
de pommier fleuri. Ce sera bigrement plus poetique que dans la fable
chretienne, et je vous en excuserai davantage.
* * * * *
Mais le temps fuit durant que je vous conte mes imaginations nocturnes.
Le temps fuit et, suivant le vol des petales roses des pechers, la neige
des cerisiers et des abricotiers se disperse deja, rien qu'au vent des
fleches encore obscures du soleil. Ainsi les pommiers se deconstelleront
bientot, leurs etoiles se detachant une a une comme les astres d'un ciel
desole. N'attendez pas cet instant; madame, pour realiser par pitie, par
simple pitie, tout ce que vous pouvez du reve ou je me suis tant complu,
par amour de vous! C'est le seul lambeau qui nous reste du paradisiaque
decor ou je vous vis sans voiles, durant ce reve trop court. Tout le
reste nous manque, l'orpheon melodieux des archanges s'essoufflent pour
nous dans les profondeurs de l'Infini, l'hommage des lions et des tigres
venant se coucher a nos pieds, la barbe souriante du Pere Eternel
ruisselante comme un fleuve de lait descendant des collines d'azur
de l'horizon. Mais si vous saviez comme je me moque de tous ces
accessoires! Le pommier fleuri me suffit. Et encore me passerai-je
parfaitement du pommier si son ombre ne vous est pas necessaire pour
devetir votre auguste beaute. Car le vrai paradis, il est la, ma chere,
dans le spectacle de votre personne nue autant que le permettait
l'envahissante splendeur de vos cheveux denoues et vous faisant un
manteau vivant. Et ce paradis-la est en vous, et vous seule etes l'ange
impitoyable qui en gardez l'entree contre l'affolement de mes desirs. Il
ne depend pas de moi de me deguiser en cygne, pour me tromper moi-meme.
Mais dites-moi la fleur que vous voulez, vous qui n'etes ni Eve ni
Marguerite, et qui aimez les fleurs plus que tout!
[Illustration]
[Illustration]
BATEAUX ROUGES
I
Au fond d'une petite mauvaise caisse en bois que je croyais vide, en
remuant des vieilleries ou un peu de tout ce qui fut une vie est
reste, bouquins jetes au rebut, bouquets autrefois baises et qui ne me
rappellent plus aucun nom, anonymes souvenirs qui n'eveillent plus rien
dans mon ame, j'ai trouve ... devinez quoi...? un jouet de mon enfance,
mon jouet favori, un petit bateau aux matures brisees, a la voile
dechiree, a la carcasse lamentable et mignonne, comme celle d'un oiseau
mort. Comment cette relique ridicule m'avait-elle suivi au hasard des
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