les pour cette puerile raison!"
* * * * *
Et, les formes du songe d'abord indecises se figeant, plus solides dans
mon cerveau, comme ces nuees legeres qui, apres leur course vague dans
le ciel, semblent prendre corps a l'horizon, marches de marbre rose, sur
lequel le soleil declinant posera son pied d'or, j'entrai nettement dans
le domaine de l'action et, ayant medit de la chasse plus que de tout
autre exercice elegant, je m'imaginai que j'allais prendre un permis. Ma
memoire me disait bien mille choses desagreables, me rappelant que,
la veille encore, je tenais a un Nemrod endurci ce discours plein de
prud'homie: "Que voulez-vous, mon cher! je ne puis me livrer, par
temperament, a un acte belliqueux que mu par un sentiment extraordinaire
de haine ou de vengeance. Or, j'ai beau me fouiller jusqu'au fond de
l'ame, je n'y trouve aucune cause d'inimitie contre les lievres et
contre les lapins. Tout enfant, j'ai beaucoup vecu dans les bois et
j'adorais voir passer, rapides, ces sauvages amis qui aiment, comme moi,
l'eclat de l'aurore, le parfum du thym et les larmes de la rosee. Je
retenais ma respiration pour ne les pas troubler et j'etais presque fier
de leur confiance quand ils venaient brouter l'herbe aupres de moi, en
ayant l'air de m'admettre dans leur intimite. Un sentiment de fraternite
s'elevait en moi a leur approche, et puisque les oreilles ont ete
donnees aux etres pour s'instruire, je m'imaginais volontiers, a voir la
longueur des leurs, qu'ils etaient des quadrupedes doctes et savants,
venus pour m'observer moi-meme et faire, aux sujets de mon espece,
des memoires a leurs societes d'encouragement. Loin de songer a
les tourmenter, je m'efforcais donc de leur paraitre beau, noble,
intelligent, afin qu'ils disent du bien de moi dans leurs gazettes.
Car, s'il est flatteur d'etre loue par son semblable, combien l'est-il
davantage de voir sa gloire franchir les bornes de la simple humanite!"
J'avais dit tout cela! Eh bien, je disais exactement tout le contraire,
comme un simple depute. Mon permis etait en regle, mon fusil charge. A
moi, Rustaud! A moi Medor! Taiaut! Taiaut!
* * * * *
Les impressions se melent volontiers dans l'etat ou j'etais le penseur
endormi. J'avais lu dans la journee le tres curieux livre et tres
instructif de mon ami Leonce Detroyat: _La France dans l'Indo-Chine_,
et le passage suivant sur la facon dont on chasse le cerf dans
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