nt les mousses
emaillees de marguerites blanches. Tout nous sera souvenir dans ces
promenades perdues ou je retrouverai ma route a la clarte d'un regard
ou d'un sourire qui m'a fait immortellement sacree quelque place que
je reconnaitrai toujours. Ce sera pour mon ame comme une fete Dieu, ou
j'irai de reposoir en reposoir, dans le balancement des encensoirs que
les branches de lilas agitent, sous le rayonnement de vos yeux et de
votre front plus blanc que la plus blanche hostie; oui, une fete Dieu
toute ensoleillee et toute pleine de muets hosannas. Les chardonnerets
a la tete rouge courront devant nous sur le sable comme des enfants de
choeur avec une petite musique effarouchee.
Oh! vienne! vienne le printemps!
En attendant, roses et bleues, violettes et mauves, les jacinthes
ouvrent, seules, leur coeur dechiquete, leur coeur de marbre vivant,
tendre et veine comme une chair delicate.
[Illustration]
[Illustration]
PREMIER SOLEIL
Un matin indecis avec des vapeurs legeres, des brises d'argent qu'aucun
souffle ne balaye; le jour grandissant dans un air tranquille; une
aurore sans flamme et lentement montee d'un horizon sans pourpre.
L'homme demeure indifferent a ce spectacle sans incidents; mais,
possedant un sens plus subtil des choses, les oiseaux sont comme
vibrants et, mus par une surprise pleine de joie, se poursuivent a
travers les arbres depouilles et piaillent le reveil encore obscur des
heures amoureuses. Les pigeons roucoulent sur les toits avec cette
marche scandee par les oscillations du cou que rythme la musique
interieure du desir.
Cependant midi s'avance derriere une avant-garde de lumiere. Le ciel
s'est eclairci et son azur aux paleurs lointaines est comme celui d'un
grand lac sur lequel navigue superbement le vaisseau d'or vivant du
soleil. Une tiedeur oubliee emplit l'atmosphere. L'illusion du printemps
a venir passe dans la nature et une joie triomphante de tous les etres
salue ce retour des journees etincelantes dans la gloire des renouveaux.
Avant les fleurs dont les tiges sont encore sans feuilles, les ames
s'ouvrent a des brises mysterieuses ou flottent, pour ce reve, de vagues
parfums. On dirait que l'astre d'ou descend la vie s'attarde sur le
chemin longtemps delaisse et s'assied, comme un voyageur las de sa
course, aux portes roses de l'occident. Pour lui aussi, c'est une fete,
et ce Dieu bien-faisant qu'ont adore tous les peuples sages se complait
dans son temple rouvert
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