ur les emprisonner au bord d'un vase, vous
reveniez toujours, je ne sais comment, avec des bouquets dans les mains;
a moins que vous ne me les fissiez porter, quand il y avait beaucoup
d'epines. Vous preniez meme un grand plaisir a me voir piquer les
doigts, excellente creature que vous etes! Et moi, je vous avoue que ce
martyre me donnait beaucoup de petites joies ameres. Lequel est le plus
fort et le plus vif, le besoin qu'ont les femmes de nous torturer et le
bonheur que nous avons a etre tortures par elles? Le metier de victimes
a toujours eu du bon, meme dans l'antiquite, ou l'on ne manquait jamais
de les combler de provenances culinaires et de les couronner de fleurs
avant de les coucher, pantelants, sous le couteau de sacrifice.
Je vous rends cette justice, mon amie, de n'etre jamais allee avec vous
jusqu'a cet exces de familiarite. Il est vrai que vous n'avez jamais non
plus pris la peine d'essayer des guirlandes de roses sur le marbre de
mon front. Vous la gardiez pour vous et me jetiez meme un mauvais regard
quand je les reniflais de trop pres, comme si mon nez allait boire tout
leur parfum.
Vous me rendrez cette justice que je n'ai pas ete jaloux de toutes
les preferences pour de simples vegetaux champetres tres incapables
cependant de composer pour vous un sonnet aussi congrument rime que
les miens. J'ai ete meme jusqu'a celebrer ces plantes, en vers de huit
pieds, pour vous etre agreable.
Ah! que vous etiez jolie, revenant du bois sous le grand fremissement
des feuillages, fuyant la caresse deja brulante du soleil, une gerbe
fleurie dans les bras, poursuivis par les bourdons qu'attirait l'odeur
de votre butin ou se melait le parfum vivant de votre haleine!
* * * * *
Vous avez eu beau acheter, dans les jardins ambulants que de faux
campagnards promenent devant eux dans les rues, toute la flore de cette
triste saison, les renoncules rouges pareilles a de larges taches de
sang, les anemones etoilees qui semblent de petits astres en train
de s'eteindre, les mimosas mediterraneens qu'on prendrait pour des
constellations que le vent a jetees a terre; en vain, vous disposez
artistement tout cela au faite de porcelaines japonaises, attendant,
patiente, que les tiedeurs de votre chambre le fasse epanouir; il est
temps, n'est-ce pas, que le printemps revienne avec l'innombrable
epanouissement des aromes et des couleurs.
Nous reprendrons le chemin des grandes allees que borde
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