et dans cette fumee bleue d'encens. Le soir
vient enfin, mais un soir tout different de celui de veille, un soir
tout impregne de la chaleur de cette premiere journee, un soir dont les
etoiles scintillent, non plus comme des fleches de givre piquees dans
le firmament, mais comme de petites roses de feu s'epanouissant dans un
grand jardin d'ombre.
* * * * *
Mignonne, voici le printemps,
--Aimons-nous bien au temps des roses.--
L'azur, dans les cieux eclatants.
Rouvre ses portes longtemps closes,
D'ou la lumiere, en flots vainqueurs,
Descend jusqu'au fond de nos coeurs.
--Aimer! chanter!--les douces choses!
Les taillis sont pleins de chansons;
--Aimons-nous bien au temps des roses;--
Et l'ombre met de doux frissons
Au coeur tremblant des fleurs ecloses.
Sur nos fronts l'aile du matin
Fait passer un souffle incertain.
--Aimer! rever!--les douces choses!
Nos reves sont vite lasses.
--Aimons-nous bien au temps des roses.--
Les beaux jours sont vite passes;
Le coeur a ses metamorphoses,
Mois le temps n'y saurait ternir
La floraison du souvenir.
--Aimer! souffrir!--les douces choses!
* * * * *
O reveil d'un printemps que consacrent deux annees de souvenirs! Un
soleil se leve aussi dans notre coeur, et le grand bois nous rappelle,
le grand bois tant de fois parcouru dans les lumieres, dans l'odeur
rajeunissante des seves, dans les joies fraternelles de tout ce qui
aime. Tu remettras bientot tes toilettes claires ou se moule, dans une
intimite plus tentante, la grace de ton corps, qu'on dirait illuminee,
comme des lampes d'albatre, par la clarte interieure que tes formes
portent en elles. Car, pour moi, toute flamme vient de ta beaute.
Reprenons les chemins ou les premiers baisers ont fleuri sur nos levres,
les baisers furtifs et delicieux ou s'exhale l'espoir tremblant des
tendresses innocentes encore. Qui dira les douceurs chastes de cette
souffrance? Elle occupa tout le premier printemps que nous passames
ensemble. Le suivant fut fait de caresses heureuses, d'amours largement
epanouies. Celui qui vient nous donnera plus de joies encore, le temps
ayant fait plus profondes les attirances qui sont devenues notre vie.
Viens par les allees dont aucun feuillage ne festonne d'ombre les sables
lumineux. Je te montrerai cependant des bourgeons poussant, le long des
branches, leurs petites tetes d'emeraude. Ce
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