II
Voila quelques instants deja qu'une musique mysterieuse me chante aux
oreilles. Elle ne vient pas du dehors et ce n'est peut-etre que la
chanson d'un reve dans mon esprit. J'ecoute au-dedans de moi. C'est
comme un susurrement de ruisseau lointain sur le sable. Non! ce n'est
pas encore cela. Un bruissement de feuilles sous le vent matinal et que
roule a l'horizon des nuages roses? Pas encore. Un crepitement vague de
friture dans l'air ou passe la gaite d'une fete foraine? Non! non! je
me prete de plus pres encore une oreille attentive. C'est decidement un
gazouillement d'oiseaux, un gazouillement melancolique comme celui des
passereaux se groupant, en hiver, sur les branches.
Ah! je sais maintenant: ce sont les hirondelles de la-bas qui voudraient
revenir et que leurs sentinelles avancees, leurs eclaireurs aux noires
ailes, retiennent derriere la barriere que ne franchit plus le soleil,
dont la tiede caresse est leur vie. Et ces compatissants volatiles, se
rappelant les nids laisses aux toits de Paris, ont la nostalgie de
ce ciel de France ou s'obstinent les bourrasques, ou les frimas
s'accumulent au mepris des avertissements du calendrier. Et elles nous
saluent de loin, ces cheres exilees qui se demandent si le printemps
nous reviendra jamais et si les pruniers porteront, cette annee,
d'autres fleurs que ces fleurs de givre dont les immobiles petales ne
fremissent pas aux souffles du matin!
III
J'avais absolument besoin de m'en prendre a quelqu'un ou a quelque chose
du facheux etat de l'atmosphere ou je grelottais. J'eprouvais un desir
immodere de vilipender meme un innocent, une de ces soifs ridicules de
revanche qui font que lorsqu'une femme a ete malheureuse avec un amant,
elle le fait payer a celui qui vient apres. Je pensai mechamment que le
marronnier du vingt mars devait faire une drole de tete cette annee,
et je fis le voyage des Champs-Elysees, uniquement pour aller faire la
nique a ce vieillard.
Son air piteux depassait encore tout ce que j'avais prevu.
Je lui tirai ironiquement mon chapeau et lui tins ce langage: Eh bien!
vieil arbre politique, as-tu chaud aux pieds?
Sous une bourrasque de vent, il me sembla qu'il hochait insensiblement
la tete comme pour me dire: Non. Et comme il avait ete bon raillard dans
son temps, j'entendis, en meme temps, un craquement singulier dans son
ecorce.
--Ah! ah! repris-je, mon gaillard, vous non plus vous ne vous contentez
pas de dodeliner du chef,
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