um de la premiere violette?
Je ne veux pas penser, ma chere, a cet ecroulement de tous les bonheurs
medites au coin du feu durant les mois qui viennent de finir. Je ne veux
pas vous offrir, non plus, bien qu'elle soit la plus charmante du monde,
cette branche de fusain sur laquelle la neige a cependant dessine, en
blanc, des fleurs tout a fait curieuses suivant le caprice des feuilles.
Un rayon de soleil n'aurait qu'a venir et a les fondre! L'image d'un
imperissable amour ne saurait etre un si perissable present!
[Illustration]
[Illustration]
JACINTHES
Roses et bleues, violettes et mauves, les jacinthes ouvrent seules leur
coeur dechiquete, leur coeur de marbre vivant, tendre et veine comme une
chair delicate.
Quand donc aimerons-nous avec toutes les fleurs?
Cet hiver sans fin qui tient les germes captifs sous l'ecorce durcie de
la terre etend son oppression jusqu'a nos pensees qu'il etreint, jusqu'a
notre ame qu'il referme sur ses desirs. En vain le Temps nous a-t-il
petris d'artifices, il n'a pu nous arracher encore a la grande loi qui
fait tristes ou gais les etres et les choses, tout ce qui meurt d'ombre
et tout ce qui vit de soleil. D'ailleurs, quand il n'en sera plus ainsi,
il sera temps que l'humanite finisse et tombe, comme un fruit pourri,
dans le neant, comme un fruit ou s'est tarie la derniere goutte des
seves universelles.
En attendant, resignons-nous a etre comme les betes et comme les plantes
qui souffrent des matins trop lents et des soirs trop rapides, eperdues
des lumieres et des chaleurs a venir. C'est encore le meilleur de notre
lot et ce qui nous reste de divin.
Quand donc aimerons-nous avec toutes les fleurs, nous qui n'apportons
encore aux bien-aimees que des lilas de serre, chlorotiques et mourants,
sans haleine et sans feuillage, ou des roses frileuses qui pleurent
leurs petales sur les tapis, ou des violettes lointaines que ne gonfle
plus le souffle sauvage des bois? Et cependant de quel sourire joyeux,
de quelle main blanche avidement tendue vers nos indignes presents elles
accueillent les fantomes de fleurs, celles qui portent, en elles aussi,
l'espoir meurtri des nouveaux immortels! C'est une grande pitie qui
s'echange entre ces exilees de l'azur. Les fleurs semblent tendre leurs
levres vers celles des femmes comme pour y chercher un peu des tiedeurs
obstinees du sang qui les empourpre. Et la bouche des femmes se penche
volontiers vers celle des fleurs pour y boire
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