eige rendait froids et
glissants. Quelquefois il me fallait la retenir dans une etreinte ou
se fondait mon coeur; souvent sa jolie tete brune dut se coller a mon
epaule pour fuir les fouaillees des bourrasques. Je respirais alors de
si pres son haleine qu'il me semblait que j'allais mourir. Jamais
mes levres n'avaient ose se pencher jusqu'a son front, mais elles
s'appuyaient aux bords de son chapeau, dans le fremissement de sa plume
et dans le chatouillement de sa voilette. Nous etions l'idylle egaree,
je ne sais de quoi de fou et d'innocent tout ensemble, mais de plus
troublant cent fois que l'ardeur des caresses. Que d'heures de passion
virile, de plaisir apre et partage sont tombees pour moi dans le
gouffre de l'oubli, tandis que tout est reste dans ma memoire de cet
enfantillage cruel et delicieux! Telle s'engloutit, dans les profondeurs
d'un lac, la splendeur pourpree des pierreries, tandis qu'une simple
feuille tombee d'un arbre y surnage longtemps sur l'eau bleue qui la
berce.
O derniere feuille tombee de l'arbre automnal que je suis!
* * * * *
Tout en elle etait exquis; mais ses pieds, ses pieds tout petits et d'un
dessin superbe etaient un de mes platoniques ravissements. Une fois que
nous marchions au hasard sur la neige durcie, elle s'amusa a en graver
l'empreinte sur le sol, une empreinte bien nette, en y pesant de tout
son poids. La semelle de sa bottine s'y moula et le talon y fit un
creux. Elle eut grand'peine a m'empecher de me mettre a genoux pour
baiser cette trace. Mais ce qu'elle ne put faire, ce fut de m'empecher
de revenir le lendemain seul, a cette place, et d'y demeurer longtemps
en contemplation devant ce rien fragile. J'y retrouvais comme un
piedestal de marbre sur lequel se dressait mon idole, dans le temple
tout parfume encore de sa presence et de l'encens de mes adorations.
Je la revoyais debout dans l'epaisseur moite de ses fourrures d'ou
son noble profil emergeait comme sculpte dans un ivoire vivant, et le
rayonnement clair de ses yeux aux reflets d'amethiste m'enveloppait,
un noyau d'extase attirait a soi tout mon sang comme le rayonnement du
soleil boit la matinale rosee. Ce m'etait une terreur qu'un autre
pas vint profaner celui-la, qu'une neige nouvelle vint estomper puis
aneantir ce contour, qu'une journee de chaleur emportat cette image dans
les coulees indifferentes du degel. Mais le lieu etait solitaire et nul
n'y passa de longtemps apres nous;
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