u'il faut pour le
porter. Heureux, dis-je, celui qui menager de son dernier bonheur, le
seul qui soit, celui d'aimer encore, le fait aussi long que sa vie!
Qu'il veille aux presages muets, aux avertissements obscurs et surtout
qu'il se rappelle. Les gens senses mettent dans leur amour tout ce
qu'ils ont de meilleur et ne laissent pas autre chose s'y meler. Ils le
degagent des jalousies stupides, des orgueils faciles a blesser, des
lassitudes que la satiete apporte. Ils en font l'heure rare et exquise
entre toutes qui est l'oubli de toutes les autres heures; la fleur
precieuse de leur coeur et de l'esprit; le tresor avare de leurs joies.
Ainsi, garderont-ils longtemps en eux l'ete resplendissant des caresses
toujours savoureuses, des ames se fondant dans le meme infini, s'abimant
melees dans le meme reve immortel!
Mais qu'ils prennent garde a la premiere feuille morte, au premier
froissement qui est comme la chute d'une premiere illusion dans ce monde
enchante! Bien vide viendrait l'automne qui n'est qu'un long adieu!
[Illustration]
III
CONTES D'AUTOMNE
[Illustration]
DANS LES JARDINS
I
PLUIE D'OR
Un souffle de vent dans les peupliers et c'est autour de nous un
tourbillon d'or, d'or disperse qui court sur le sol avec un bruit
innombrable de chocs invisibles et joyeux.
J'ai toujours pense que la fable des amours de Jupiter n'etait que
l'histoire poetique des saisons. En ce moment c'est Danae qu'il tente.
Danae qui a depouille les chastes parures dont l'avait enveloppee le
Printemps, Danae deja nue et bientot feconde. Car de toutes ces feuilles
mortes dont la terre boira les dernieres seves, renaitra l'orgueil
immortel des lis et des roses, la gloire des floraisons futures sortira
rajeunie, et les bouquets monteront vers vos petites mains blanches, o
vous devant qui je veux voir la Nature entiere agenouillee comme devant
l'autel de la Beaute infinie.
Un souffle de vent dans les peupliers et c'est autour de nous un
tourbillon d'or, d'or disperse qui court sur le sol avec un bruit
innombrable de chocs invisibles et joyeux.
Le beau manteau d'illusions qui couvrait les choses est dechire;
quelques lambeaux a peine sont demeures suspendus au squelette froid des
realites. Les verdures se sont evanouies au front pensif des forets qui
ne sont plus qu'un brutal enchevetrement de branches noires. Le frisson
d'emeraude vivante qui courait aux bordures des chemins quand l'haleine
du
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