de damnee avait touche sa recompense. Midas ressuscite voyait
refleurir son reve monstrueux. Suscitee par quelque sublime decouverte,
une immense convulsion avait retourne le globe sur lequel nous vivons.
La terre avait vomi ses entrailles a sa surface, ses entrailles lasses
et dechirees par le travail obscur des chercheurs de filons. Toute la
nature exterieure etait en or, en or dur et cristallin, mais tiede
encore des fusions anciennes au centre de notre planete. Les arbres sans
murmures, les montagnes sans souffles vivifiants, les fleuves arretes
dans leur cours, les vallees sans ombres fremissantes, tout en or. De
l'or, de l'or, rien que de l'or! C'etait superbe d'abord, puis odieux et
insupportable a regarder. Des pepites gisaient sous toutes les formes;
tous les corps resonnaient avec le meme bruit sec la meme musique
barbare. Tous les oiseaux avaient fui sous le ciel poli comme un miroir
ou se refletait toute cette richesse insipide, sous le ciel sans
infini, sans au dela, sans voiles, ou les astres figes dans leur course
s'eteignent comme des flambeaux qui palissent dans le grand jour. Les
animaux qui courent et ceux qui rampent, mais qui, tous, sont la vie
et le mouvement, avaient disparu dans ce cataclysme et dormaient sans
doute, sous ce tombeau fastueux dont Sardanapale lui-meme n'eut ose
caresser la chimere.... L'homme seul etait reste de toutes les betes,
l'homme affame, l'homme chatie par son propre vice, victime de sa longue
demence, l'homme eperdu dans cette realisation cruelle de son desir
acharne. Le metal qu'il avait poursuivi comme l'unique bien, qu'il avait
longtemps paye de la sueur des miserables, et cherche jusque dans le
sang, ce metal le debordait, l'envahissait, l'etreignait. Il lui brulait
les pieds, lui dechirait les mains, aveuglait ses yeux et lui mettait au
ventre les morsures de la faim. Il eut vendu son ame, l'homme miserable,
pour trouver une seule goutte d'eau dans ce Pactole! Et tout ce qu'il
avait profane, souille, foule sous ses pas dans ses recherches impies,
emplissait sa memoire de remords et d'ironie. L'ideal conspue y pleurait
ses immortelles joies; l'amour y comptait ses larmes et ses baisers
perdus; la poesie y chantait sa chanson a jamais envolee. Puis c'etait
la torture physique compliquant l'angoisse morale. Le souvenir des bles
magnifiques et nourriciers oscilants, lourds de grains et comme dores,
sous les souffles murissants du matin; l'image des vignes empourprees
et ce
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