lle des pommiers en fleurs semant dans l'air l'espoir des fruits
prochains; la vision imperissable de cette nature maternelle et douce,
l'_alma parens_ antique, pleine de graces fecondes et de fertiles
beautes! Ah! vous auriez fremi, comme moi, a voir ce fantome de l'homme
s'agiter dans cette apotheose implacable de la Matiere jugee la plus
pure et la plus glorieuse par les alchimistes de tous les temps.
* * * * *
Eveille, je restai longtemps sous l'impression de cette fantasmagorie
nocturne. Il y avait des moments ou je croyais que je n'avais pas reve.
Car un symbole tres clair et tres aisement saisissable etait au fond
de cette vision au premier aspect saugrenue. Celui de la vie des races
futures compromise par les horribles instincts de lucre qui sont
l'honneur de la notre et de ce temps meprisable. Oui, l'homme crevera,
faute d'ideal et faute de pain, apres avoir epuise, pour en venir la,
plus de genie qu'il n'en eut fallu pour rendre d'eternelles generations
heureuses dans l'amour simple des etres et le respect facile des
choses.... Mais je ne vous veux pas epouvanter, madame, de ces sombres
propheties. Je serai mort certainement avant ce temps-la, d'une mort
naturelle et douce si mes yeux, en se fermant, voient encore votre
sourire, vous-meme, peut-etre, ma chere ame, serez-vous egalement
trepassee; car la beaute, pour etre immortelle, ne donne pas
l'immortalite. J'imagine toutefois que, comme a nous, l'autre jour, a
ceux qui s'aimeront encore, en ces temps maudits, la pitie du destin
gardera quelque oasis pareille a celle ou, dans une illusion de
printemps, nous avons vu, sous nos regards, l'or mortel de l'automne
tendre, sur les fenetres, son melancolique linceul. Car l'amour seul
conservera le secret du rajeunissement infini dans quelques ames elues.
Et cela suffira pour que les oiseaux chantent encore, se sachant
ecoutes, pour que les ruisseaux roulent leur fraicheur parmi les
mousses, pour que les sources recueillies semblent attendre l'image de
celles qui vous ressemblent. C'est l'Amour, seul, qui dans cet age d'or
sans pitie, gardera, comme un ange debonnaire, un coin de ce paradis
biblique a nos fils eperdus!
[Illustration]
[Illustration]
CHOSES D'AMOUR
Vous n'avez pas voulu, ma chere ame, me suivre au pays des montagnes
natales qui, comme des vieilles decoiffees par le vent, portent a leurs
tetes nues et ridees des lambeaux de nuages pareils a des chiffo
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