femme porte, sur sa bouche, la pourpre d'une fleur et la candeur
d'une autre sur ses joues, c'est la mer dont elle a garde quelque chose
dans ses yeux pleins de l'image trompeuse du ciel, dans ses yeux ou
la pensee sonde des infinis qui la troublent, dans ses yeux qui nous
attirent vers les irreparables naufrages du coeur. Oui, les votres,
madame, me sont comme deux gouffres ouverts sur des tortures
innomees et, dans leur verte transparence, sans cesse traversee
d'un scintillement, je cherche ma route comme un matelot perdu dont
l'insensible ocean berce les prieres inutiles et les desespoirs
silencieux. Il est implacable comme celui de la mer, le charme de votre
regard, et souvent il y passe des eclairs d'epee comme lorsque le flot
s'illumine dans toute sa longueur coupante d'une lame dont l'espace
glauque est sillonne.
Aussi, vous complairez-vous, sans doute, au spectacle de cette perfidie
eternelle dont les trahisons n'ont jamais rassis le coeur de ses virils
amants, pas plus que vos cruautes n'ont pu decourager ma tendresse. Le
grand symbole de la beaute toujours adoree et pardonnee est fait pour
vous seduire, vous qui ne vivez que de cette sublime impunite!
* * * * *
Je vous ai dit l'attrait profond de la montagne sous le ciel constelle
et les souffles tout parfumes de l'ame des bruyeres; vous m'avez avoue
le charme mysterieux et pervers peut-etre que la Mer avait pour vous.
Ainsi nous sommes-nous separes sans que mon ame se soit, un seul
instant, eloignee de vous qui etes, pour elle, comme une de ces patries
qu'on emporte partout ou l'on va. J'ai entendu pleurer le torrent et
soupirer la flute du patre. Vous vous etes bercee sans doute, au bruit
monotone et profond des vagues a l'heure ou les dernieres voiles
semblaient a peine les ailes d'une mouette qui regagne la pleine mer.
Que m'avez-vous garde de vous dans ces heures de reveries? Comme les
barques lointaines qui s'enfoncaient dans les brumes rougies par le
couchant, votre pensee a-t-elle, par dela l'horizon incendie, tente
l'immortel voyage du souvenir? Je n'ose l'esperer et je devrais vous
dire, sans doute, que moi aussi j'ai trouve des oublis charmants au
caprice des promenades. Mais je n'ai jamais su vous mentir, ce qui m'a
fait tout d'abord un etre desarme devant vous. Devant le magnifique
panorama des pics neigeux qui semblaient monter vers le ciel une
floraison de lis, des vallees profondes le long desquelles les gra
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