soir caressait les hautes herbes, s'en est alle vers l'horizon des
reves perdus. Ainsi quand la main des Destinees a secoue l'or au-dessus
des tetes, l'or bruyant, l'or maudit que portait l'arbre du Mal et non
pas la pomme biblique, ce fut pour l'ame humaine un effarement de toutes
les noblesses de la pensee, l'oubli de l'ideal entrevu, l'hiver apre
qui n'a plus de fleurs, le cliquetis furieux dans la tempete apres la
chanson de l'amour dans les bois profonds et verts, au bord des sources
sacrees!
Un souffle de vent dans les peupliers et c'est, autour de nous, un
tourbillon d'or, d'or disperse qui court sur le sol avec un bruit
innombrable de chocs invisibles et joyeux.
Oui, ma chere ame, ce sont tous les baisers qui passent, les baisers
figes aux levres de ceux qui ne savent pas aimer.
II
CHRYSANTHEMES
Pour savoir a quel point je t'aime,
Effeuille, en revant, mon tresor,
Non la marguerite au coeur d'or,
Mais ce coeur blanc du chrysantheme.
Car plus serres et plus nombreux,
Ses petales, faisceau de glaives,
Diront mieux l'infini des reves
Ou se perd mon coeur amoureux.
"Un peu!--beaucoup!" mots sans pensee;
Et meme: "passionnement",
Un mot qui ne dit rien vraiment
Du mal dont mon ame est blessee.
C'est par mille et mille douleurs
Que mon etre se multiplie
Et, languissant, vers toi se plie
Comme le chrysantheme en fleurs.
La marguerite plus ne dure,
Quand l'automne, de ses doigts lourds,
Des mousses jaunit le velours
Et disperse au vent la verdure.
Meme apres l'adieu du soleil,
Seul, dans les jardins qu'il decore,
Le chrysantheme s'ouvre encore,
A mon coeur fidele pareil.
Pour savoir a quel point je t'aime,
Effeuille, en revant, mon tresor,
Non la marguerite au coeur d'or,
Mais le coeur blanc du chrysantheme!
III
BOUTON DE ROSES
Sous les feuilles jaunes et degouttantes de pluie d'un rosier sauvage,
un bouton tres pale s'obstine, dont les petales ne se developpent que
pour se recroqueviller aussitot comme des oiseaux frileux qui replient
leurs ailes dans l'air trop froid. Voila plusieurs jours deja que je le
vois et plus d'une fois la tentation m'est venue de le cueillir pour
vous l'apporter. Puis j'ai trouve qu'il etait bien peu digne de votre
beaute triomphante, ce brin de fleur mourante, agonisant dans la
melancolie d'automne. Il vous eut bien dit pourtant qu'a vos pieds
s'effeuillera ma derniere pensee et qu'une
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