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Comment cela s'est-il fait? Mais c'est en automne que, par deux
fois--les deux seules de ma vie,--j'ai vraiment commence d'aimer. Le
printemps me poussait aux tendresses faciles et me fut toujours un
aimable pourvoyeur de belles filles, mais vite oubliees. J'ai dit quelle
deception l'ete est pour moi. L'automne m'est fatal ou precieux, suivant
que je pense aux grandes joies que j'ai eues ou aux grands martyrs que
j'ai soufferts. Car l'Amour est invariablement fait de ces deux choses.
Est-ce le grand attendrissement qui me venait de tous les declins, et
que subissent tous les etres ayant un semblant d'ame, qui me faisait le
coeur pret a recevoir une plus durable empreinte, comme une cire amollie
ou les sceaux s'impriment plus profondement? Toujours est-il que c'est
sous un ciel embrume, devant un paysage s'effritant en poussiere d'or,
a la lumiere des couchants rayes de cuivre et de topaze, que mes reves
obscurs sont devenus de puissants desirs, que j'ai senti ma chair mordue
par l'inexorable, despotique et exclusif besoin d'une autre chair.
Saison redoutable et charmante! Je lui ai du des annees pleines de
larmes et de caresses, les seules que je veuille compter dans ma vie.
Car de tout le reste je ne sais plus rien. Je te pardonne et je t'aime,
pale soleil d'octobre dont la melancolie s'est faite aureole, pour moi,
au front de la femme; doux et traitre soleil qui aspirait vers la peau
rougissante des raisins le sang vermeil des vignes et faisait monter le
mien vers la coupe mortelle du premier baiser!
[Illustration]
[Illustration]
MATUTINA
C'est bien, parbleu! une feuille morte qui, par ma fenetre ouverte, est
venue voler jusque sur le papier ou ma plume allait courir. Elle est
tres jaune, tres seche et toute recroquevillee. J'y reconnais cependant,
sous l'ondulation des brulures solaires, sa forme en fer de fleche.
C'est une feuille de lilas qu'un coup de vent matinal m'a apportee.
Qu'allais-je vous conter deja? Une histoire d'amour, sans doute, ou
quelque reverie pleine d'un souvenir d'absente. J'allais peut-etre vous
dire les vers tres simples que j'ai ecrits pour que Capoul les chante
sur une musique de Lacome:
Je demande a l'oiseau qui passe
Sur les arbres, sans s'y poser,
Qu'il t'apporte, a travers l'espace,
La caresse de mon baiser.
Je demande a la brise pleine
De l'ame mourante des fleurs,
De prendre un peu de ton haleine
Po
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