des fleurs de la gerbe, la moins ouverte pour qu'elle durat plus
longtemps. Puis chacune de vos lettres contint le petale encore
flexible, odorant, et comme vivant d'une rose. Il n'en est guere dans
mon jardin dont je n'aie dechire le coeur pour vous repondre dans le
meme langage. Helas! Bientot les ondees eparpillerent dans l'herbe
leurs feuilles mouillees. C'etait une des poesies de notre amour qui se
brisait et que le vent emportait.
Mais d'autres printemps l'ont ramenee plus vivace et plus fidele.
Nous approchons de la meme saison, celle ou je vous ai connue. Bien des
roses sont deja mortes, mais des boutons sourient encore sur les tiges.
Et puis, quand il n'y en aura plus, je cueillerai, pour vous, les hauts
dahlias fous et serres comme les ruches tuyautees de vos dentelles,
des marguerites blanches et des marguerites d'un violet tendre dont
le demi-deuil a quelque chose de charmant et de melancolique comme la
tristesse presque consolee d'une veuve. Et puis apres?... Apres, j'ai
peur. Car, je m'en souviens, quand je vous offris, en tremblant,
mon premier present, vous avez fait plus attention a mes roses qu'a
moi-meme, et peut-etre est-ce leur souvenir seulement que vous avez
aime.
* * * * *
J'ouvre ma fenetre pour regarder la nuit. Le temps s'est leve.
De petits nuages blancs traversent le firmament, se frangeant d'orange
aux approches de la lune. Les saintes melancolies, que l'homme moderne
a voulu chasser de sa vie, revivent dans tout ce qui lui vient du monde
exterieur. Quoiqu'il fasse, il n'empechera jamais la mer de gemir aux
confins du monde qu'il habite, ni le ciel de rouler sur sa tete, avec le
char des astres et l'avalanche des nuees, les preoccupations de
l'infini et les tristesses du souvenir. C'est ainsi que, dans votre vol
palissant, etoiles sous qui s'allumera bientot le formidable bucher de
l'aurore, je cherche les images ailees des bien-aimees d'autrefois,
de celles qui ont pris un peu de ma vie et l'ont emporte sur d'autres
routes que la mienne. Vos yeux de lumiere s'attendrissent pour moi, et
des regards s'y rallument qui descendent jusqu'a mon coeur; bientot
votre rayonnement n'est plus qu'un scintillement de larmes et c'est
un baiser que le premier souffle de l'aurore m'apporte, apres avoir
effleure vos levres de feu. Dans le lent tourbillon qui vous entraine,
je vois passer mes ivresses et mes fureurs, les fleches brisees de mes
desirs et les fleurs so
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