poussiere d'un long chemin, des bouquets de trois sous n'etait pas pour
m'arracher aux delices de mon hermitage et au spectacle des fauvettes a
tete noire a qui j'ai abandonne ma moisson de cerises. D'autant que nous
autres, horticulteurs desinteresses des parterres de banlieue, nous ne
sommes pas pour ces gaspillages de roses sous les pieds des chevaux.
Nous avons la piete de ces magnifiques parures du sol qui n'en sont
arrachees qu'en saignant empourprees comme d'odorantes blessures.
Sur leur tige, elles apparaissaient comme des levres souriantes,
s'entr'ouvrant, comme sur des dents sur les perles de la rosee.
Et puis, nous pensons au mal que chacune d'elles nous a donne pour
grandir. Car l'etat de jardinier dans le departement de la Seine n'est
pas une sinecure et je sais nombre de bacheliers qui seraient fort
empeches de le remplir, n'ayant pas dans l'ame ce je ne sais quoi
d'ingenieusement agreste qu'a laisse dans le notre l'admiration du doux
Virgile. Enfin ces orgies nous revoltent, nous qui ne consentons a
cueillir une gloire de Dijon ou une Guilleminot que pour la voir
refleurir au corsage de la bien-aimee, la ou notre coeur lui-meme,
invisible, est suspendu, traverse aussi par une longue epingle d'or.
* * * * *
Je n'en ai pas moins pris de loin ma part de ce brouhaha bienfaisant et
destine a entretenir parmi les pompiers le sentiment du devoir. Il
n'est pas malaise de s'imaginer Paris debordant de sa ceinture, Paris
envahissant le Bois, Paris grouillant sur les gazons brules, Paris range
en deux files autour de ses citadines et de ses urbaines mises bout a
bout, puis les orchestres bruyants des saltimbanques, l'envahissement
des tentes ou les garcons s'evertuent, rafraichissant les boissons de la
sueur de leur front; le tournoiement des chevaux de bois dans le hoquet
des orgues mecaniques; le roulement vertical des ballons captifs
initiant les populations terrestres aux delices du mal de mer; les
mats et leur mince claquement d'oriflamme dans l'air traverse de rares
brises; les musiques militaires lancant a pleine volee leurs
....Concerts riches de cuivre,
Dont les soldats parfois inondent nos jardins,
Et qui, dans les soirs d'or ou l'on se sent revivre,
Versent quelque heroisme au coeur des citadins.
Comme l'a si bien dit Beaudelaire, a qui l'ingenieux Scherer ne devait
trouver plus tard ni genie ni talent. Car ce Scherer merveilleux est
bien autrement
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