rgiss mein nicht_, cette petite fleur qui regarde avec un oeil
bleu, un oeil pale et doux charge de souvenir. Donc, non seulement
j'avais eu ma fete des fleurs comme les autres; mais j'en avais garde
quelque chose, la memoire exquise de votre toilette, Madame et honoree
Lectrice, et de vos jolis souliers mordores.
[Illustration]
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EN MESSIDOR
Le beau pommier si fier de ses fleurs etoilees,
Neige odorante du printemps!
Est-ce que vous aimez vraiment les fruits, madame? Je vous ai vue
parfois mordre dans une peche au velours ruisselant sous vos dents
blanches, voire engloutir, avec de delicieuses petites mines, des
fraises qui n'emportaient rien de la pourpre sanglante de vos levres, et
meme dechirer la chair d'or d'un abricot. Mais peut-etre etait-ce par
pure condescendance? Moi je ne suis pas de l'ecole des gens qui gardent
des poires pour la soif. Je prefere infiniment a celles-ci, par les
vesprees alterees, la fraicheur des sources susurrant dans l'epaisseur
humide des gazons. La vraie raison d'etre des fruits, c'est les
confitures, quand la main delicate d'une femme y a mis son parfum.
Non? Vous n'etes pas de mon avis? Vous aimez les fruits pour eux-memes,
pour leur gout personnel?
Soit! parions cependant que si je vous disais: Vous ne mangerez cette
annee ni cerises, ni pommes, ni peches meme, mais les arbres qui les
devaient porter demeureront comme ils sont aujourd'hui, tout en
fete sous la blancheur de leur floraison printaniere; tels ils vous
apparaissent comme l'eparpillement d'une coiffure de mariee, tels ils
resteront, en ete, variant la profondeur epanouie des verdures; en
automne, egrenant leurs perles sur le fond d'or sombre des feuillages
rouilles. Oui, si je vous disais: le temps respectera cette parure
divine de l'Esperance, et ces rameaux ne se depouilleront pas de ce
frileux et delicat ornement....--Eh! me diriez-vous, qu'il en soit
ainsi! Vous aimez tant les fleurs, madame! Et vous etes si peu
gourmande, helas!
Le fait est que rien n'est si beau au monde que les jardins en ce
moment. Aux pechers pendent encore des petales d'un rose tendre; les
cerisiers semblent, de loin, des arbres ou, par touffes menues, le duvet
de quelque cygne celeste s'est accroche; et voici maintenant que les
pommiers s'etoilent, les pommiers dont la fleur, plus largement ouverte,
semble les ailes d'un double papillon. Ah! cette floraison des arbres
fruitiers, quelle note exquise ell
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