s pour des fraises, par exemple; car vous m'avez toujours paru les
aimer bien davantage. Vous vous en fussiez servi a vous-meme tout un
plat sur le coeur d'une feuille de vigne, et vous m'en auriez surement
offert. J'aurais certainement refuse les fraises pour vous les laisser
toutes, mais j'aurais baise la feuille parce que vos jolis doigts
l'auraient touchee, et devinant peut-etre qu'elle serait bientot votre
premiere jupe. Vous rappelez-vous nos fouilles gastronomiques dans le
bois de Meudon, quand vous poussiez de petits cris de joie a chaque
perle rouge et savoureuse decouverte par vous, dans la profondeur humide
des gazons, et que les merles s'effarouchaient a votre approche tandis
que les rossignols continuaient pour vous leur plus belle chanson? Vous
aviez des gourmandises charmantes et vous trainiez, comme une gamine,
a genoux, m'offrant le radieux spectacle de vos montagnes
naturelles.--Comme c'est bon! repetiez-vous. Et moi, j'attendais une
autre occasion pour vous dire aussi:--Comme c'est bon! Car j'aime a
partager vos impressions en toutes choses. Oui, des fraises; c'est pour
des fraises seulement, madame, que vous auriez consenti a coiffer
Adam du bonnet de Sganarelle et a precipiter votre race dans les maux
infinis, dont cependant, a mon humble avis, l'amour est une suffisante
consolation. Oui, sournoise adoree qui, dans ces printanieres
excursions, faisiez semblant de chercher seulement des violettes et
portiez rapidement votre jolie main a votre bouche, avec un grain de
corail aux doigts!
--Vous vous trompez, fit-elle.
* * * * *
--Alors, c'eut donc ete pour des cerises? Parbleu! je n'en serais pas
surpris; car vous n'avez pas non plus oublie nos belles promenades a
Montmorency, d'ou vous reveniez avec de lourdes et savoureuses boucles
d'oreilles, mettant de chaque cote de votre cou deux larges gouttes
de sang? Je me souviens de vos intrepidites, madame, et j'ai garde
delicieusement la memoire des coups d'oeil que je glissais entre les
branches, quand vos jolis pieds poses sur quelque fourche naturelle de
l'arbre, vous ecartiez les mollets pour vous donner plus d'assise, vos
jupes formant au-dessus de moi comme une cloche blanche qui sonnait
silencieusement les antiennes du desir. Tel, quand un lys dont le vent a
brise la tige penche vers le sol, son calice retourne, le bourdon tombe
de son coeur d'or entrevoit, entre les plis candides des petales, la
poussiere embaum
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