mieux, ce n'est pas la rose qui fleure comme votre
bouche, ni l'heliotrope dont le bleu changeant et profond fait penser a
vos yeux, ni le jasmin dont les blancheurs semblent etre demeurees a
vos doigts effiles; ce n'est pas non plus la pivoine dont les petales
transparents vibrent au moindre souffle comme les ailes de votre joli
nez latin, ni l'iris marin qui a les delicieux balancements de votre
tete mutine, ni la glycine qui, massive et en grappes serrees, a les
lourds frissons de votre chevelure, ni l'anthemis dont l'innombrable
epanouissement et la gloire constellee n'a d'egal que le faisceau fleuri
de vos graces et de vos splendeurs. La fleur que je prefere, je ne sais
pas son nom,--ni vous non plus sans doute, bien que vous soyez plus
savante en botanique que moi;--c'est une fleur a peine, une facon de
petite herbe sauvage. Elle s'est trouvee prise dans la feuille de lierre
que vous cueillites au bord d'une haie, quand je vous guettai pour
la premiere fois et que vous pliates en deux pour la cacher dans mon
portefeuille.
J'imagine que c'est quelque plante magique dont le voisinage ensorcela
mon coeur pour jamais et vous le soumit par un mysterieux et inexorable
pouvoir. Elle s'appelle pour moi: la Destinee! c'est-a-dire: le Bonheur!
si cela vous plait, ou: l'immortelle Detresse, s'il vous convient de me
faire souffrir. Cela vaut bien, ce me semble, une appellation barbare de
Linne ou de Jussieu!
* * * * *
Nous en sommes a peine aux fraises, ma tres chere et tres belle aimee.
Je crois meme avoir fait rouler dans votre assiette les premieres que le
Midi nous ait envoyees. Vous avez deja reve de cerises et vous m'avez
signale des framboises que vous croyez avoir vues chez un joaillier
probablement. Mais moi qui habite les jardins, je puis vous assurer que
vous en avez pour quelque temps encore avant de croquer des guignes
sur le chemin de Montmorency et de voler dans les haies d'authentiques
framboises. Contentons-nous donc des fraises pour le present, des
fraises d'un rouge plus vif, mais d'un parfum moins divin que vos
levres.
Ah! laissons, je vous prie, chacune de ces joies gastronomiques, que
nous garde le developpement des saisons, venir a son epoque. Il est
imprudent de vouloir hater l'heure toujours factice des plaisirs. N'en
avez-vous pas trouve un, fort cruel pour moi, a me faire attendre
longtemps, longtemps, et jusqu'a me desesperer, un bonheur dont je
faillis ne p
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