porte d'un paradis longtemps ferme?
En ce temps-la, le jour des Rameaux etait un grand evenement dans ma
vie, et la noble image du pardon triomphant descendant sur l'humanite
prosternee m'apparaissait dans le simple rameau de buis que je promenais
fierement au retour de la grand'messe.
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Je ne sais pas encore par quoi la philosophie contemporaine compte
remplacer le symbolisme qui faisait le grand charme des religions
disparues. Grace a lui, la Nature etait de toutes leurs fetes. C'etait
un element essentiellement paien de poesie et de grandeur, qui
n'effrayait pas le spiritualisme bon enfant de nos aieux. Cette
consecration des choses par un commerce glorieux avec la Divinite
n'etait pas pour nous montrer le neant de la Matiere. J'avoue que
celle-ci m'apparait beaucoup plus infime et humiliee sous le scalpel et
dans les cornues, se brisant, s'evaporant, se multipliant a l'infini,
comme une vermine, sous des noms scientifiques et barbares. J'ai horreur
de vivre parmi tous ces gaz decomposes. Dut un dogme indeniable surgir
un jour de toute cette cuisine, je lui prefererais encore le mensonge de
la Verite nue s'elancant des eaux candides d'un puits. Cette recherche
de l'infini dans l'infiniment petit des pourritures me repugne
horriblement, et j'aimais mieux les efforts brises de l'ame humaine
vers un ideal fuyant toujours, mais rayonnant comme le soleil qui nous
eclaire et nous rechauffe sans que nous l'atteignions davantage. Il y
avait un beau fond de pantheisme dans les ceremonies chretiennes, qui
leur venait de l'Orient plus encore que de Rome et de la Grece. C'etait
toujours une attache a l'eternelle verite qui est dans le respect
mysterieux de la vie et dans l'adoration meditative du Beau dans toutes
les formes accessibles a nos sens et a notre esprit.
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Comme j'etais loin des promeneurs parisiens et des indigenes rejouis
dont je n'entendais plus le bruit que comme celui d'un reflux, rythme
par la distance et s'affaiblissant a chaque nouveau retour! C'est que
j'avais pris la pleine campagne tout en meditant et me perdant dans ces
pensees, un chemin de traverse que je rebroussai pour rentrer avant le
declin du soleil. Il me fit passer presque devant l'eglise, vide alors,
mais sur les marches de laquelle une mendiante continuait sa psalmodie,
avec des rameaux de buis beni dans son tablier. Elle m'en tendit un, en
echange de mon au
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