quatre-vingts boules noires; ce qui, de memoire de Corps legislatif, ne
s'etait guere vu.]
[Note 138: M. de Montesquiou, qui ne fut nomme qu'en 1810.]
Il s'y croyait autant et plus que jamais, lorsque, dans l'automne de
1809, une lettre du marechal Duroc lui notifia que l'Empereur l'avait
designe pour le voyage de Fontainebleau; c'etait, a une certaine
politesse pres, comme les _Fontainebleau_ et les _Marly_ de Louis XIV,
et le plus precieux signe de la faveur souveraine. Il se rendit a
l'ordre, et, dans la galerie du chateau, apres le defile d'usage,
l'Empereur, repassant devant lui, lui dit: _Restez_; et quand ils furent
seuls, il continua: "Il y a longtemps que je vous boude, vous avez du
vous en apercevoir; j'avais bien raison." Et comme Fontanes s'inclinait
en silence, et de l'air de ne pas savoir: "Quoi! vous m'avez donne un
soufflet a la face de l'Europe, et sans que je pusse m'en facher... Mais
je ne vous en veux plus;... c'est fini."
Durant cette annee 1809, Fontanes, comme Grand-Maitre, avait eu a
lutter contre toutes sortes de difficultes et de degouts: de perpetuels
conflits, soit avec le ministre de l'interieur, duquel il se voulait
independant, soit avec Fourcroy, reste directeur de l'instruction
publique, et qui ne pouvait se faire a l'idee d'abdiquer, allaient
rendre intolerable une situation dans laquelle la bienveillance
imperiale ne l'entourait plus. Il offrait vivement sa demission: "D'un
cote, ecrivait-il, je vois un ministre qui surveille l'instruction
publique, de l'autre un conseiller d'Etat qui la dirige; je cherche la
place du Grand-Maitre, et je ne la trouve pas." Il recidiva cette offre
pressante de demission jusqu'a trois fois. La troisieme (c'etait sans
doute apres le voyage de Fontainebleau), l'Empereur lui dit: "Je
n'en veux pas, de votre demission; s'il y a quelque chose a faire,
exposez-le-moi dans un memoire; j'en prendrai connaissance moi-meme; j'y
repondrai." La rentree ouverte de Fontanes dans les bonnes graces du
chef aplanit des lors beaucoup de choses.
Des septembre 1808, et aussitot qu'il avait ete nomme Grand-Maitre,
Fontanes avait songe a faire de l'Universite l'asile de bien des hommes
honorables et instruits, battus par la Revolution, soit membres du
clerge, soit debris des anciens Ordres, des Oratoriens, par exemple,
pour lesquels il avait conserve une haute idee et une profonde
reconnaissance. Ces noms, suivant lui (et il les presentait de la sorte
a l'Empereur), e
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