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l'orateur bienseant. Les discours qu'il prononcait a chaque occasion
solennelle tendaient a insinuer au conquerant les idees de la paix et de
la gloire civile, mais enveloppees dans des redoublements d'eloges qui
n'etaient pas de trop pour faire passer les points delicats. Napoleon
avait un vrai gout pour lui, pour sa personne et pour son esprit; et
lui-meme, a ces epoques d'Austerlitz et d'Iena, avait, malgre tout, et
par son imagination de poete, de tres-grands restes d'admiration pour un
tel vainqueur. Mais un orage se forma: Napoleon etait en Espagne, et
de la il eut l'idee d'envoyer douze drapeaux conquis sur l'armee
d'Estramadure au Corps legislatif, comme _un gage de son estime_.
Fontanes, en tete d'une deputation, alla remercier l'Imperatrice:
celle-ci, prenant le _gage d'estime_ trop au serieux, repondit
qu'elle avait ete tres-satisfaite de voir que le premier sentiment de
l'Empereur, dans son triomphe, eut ete pour _le Corps qui representait
la Nation_. La-dessus une note, arrivee d'Espagne comme une fleche,
et lancee au _Moniteur_, fit une maniere d'_errata_ a la reponse
de l'Imperatrice, un _errata_ injurieux et sanglant pour le Corps
legislatif, qu'on remettait a sa place de _consultatif_[137]. Fontanes
sentit le coup, et dans la seance de cloture du 31 decembre 1808,
c'est-a-dire quinze Jours apres l'offense, au nom du Corps blesse,
repondant aux orateurs du Gouvernement, et n'epargnant pas les
felicitations sur les trophees du vainqueur de l'Ebre, il ajouta: "Mais
les paroles dont l'Empereur accompagne l'envoi de ses trophees meritent
une attention particuliere: il fait participer a cet honneur les
Colleges electoraux. Il ne veut point nous separer d'eux, et nous l'en
remercions. Plus le Corps legislatif se confondra dans le peuple, plus
il aura de veritable lustre; il n'a pas besoin de distinction, mais
d'estime et de confiance..." Et la phrase, en continuant, retournait
vite a l'eloge; mais le mot etait dit, le coup etait rendu. Napoleon le
sentit avec colere, et des lors il resolut d'eloigner Fontanes de la
presidence. L'etablissement de l'Universite, qui se faisait, en cette
meme annee, sur de larges bases, lui avait deja paru une occasion
naturelle d'y porter Fontanes comme Grand-Maitre, et il songea a l'y
confiner; car, si courrouce qu'il fut a certains moments, il ne se
fachait jamais avec les hommes que dans la mesure de son interet et de
l'usage qu'il pouvait faire d'eux. Il dut pourtant, f
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