uissant, et il ne l'est pas."
Ce desaccord entre votre pensee et celle des fonctionnaires qui
s'acharnent sur leur proie dans les provinces, jette la consternation
dans tous les esprits; on commence a croire le pouvoir encore faible en
haut, en le voyant toujours si violent en bas. J'ose vous parler de
mon departement parce que la, par ma position, je suis beaucoup mieux
renseignee que la police sur les actes de mon parti; parce que je
vois la une veritable guerre a la conscience intime, une revoltante
persecution que vous ne savez pas et dont vous ne voulez pas.
On insulte, on tente d'avilir; on exige des flatteries et des promesses
de ceux qu'on elargit. Quel fond peut-on faire, helas! sur ceux qui
mentent pour se racheter? Ah! ce n'est pas ainsi que vous pardonnez,
vous, a vos ennemis personnels, et je sais a present que vous presenter
comme tel un homme qu'on veut sauver, c'est assurer sa grace. Mais je ne
peux pas mentir, meme pour cela, et, cette fois, je vous implore pour
des hommes qui n'attendent de vous qu'une mesure d'equite et de haute
protection contre vos ennemis et les leurs.
Veuillez agreer, prince, l'expression de mon respectueux attachement, et
dites sur mon pauvre Berry une parole qui me permette d'y etre ecoutee
quand j'y parlerai de vous selon mon coeur.
GEORGE SAND.
CCCXLVII
A M. JULES HETZEL, A PARIS
Paris, 20 fevrier 1852
Mon ami,
J'aime autant vous savoir la-bas qu'ici, malgre les embarras, si peu
faits pour mon cerveau et ma sante, ou votre absence peut me laisser.
Ici rien ne tient a rien. Les graces ou justices qu'on obtient, sont,
pour la plupart du temps, non avenues, grace a la resistance d'une
reaction plus forte que le president, et aussi grace a un desordre dont
il n'est plus possible de sortir vite, si jamais on en sort. La moitie
de la France denonce l'autre. Une haine aveugle et le zele atroce d'une
police furieuse se sont assouvis. Le silence force de la presse, les _on
dit_, plus sombres et plus nuisibles aux gouvernements absolus que la
liberte de contredire, ont tellement desoriente l'opinion, qu'on croit a
tout et a rien avec autant de raison pour faire l'un que l'autre. Enfin,
Paris est un chaos, et la province une tombe. Quand on est en province
et qu'on y voit l'annihilation des esprits, il faut bien se dire que
toute la seve etait dans quelques hommes aujourd'hui prisonniers, morts
ou bannis. Ces hommes ont fait, pour
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