s
pas et a qui je n'ai pas cru devoir refuser mon temps et ma peine,
c'est-a-dire, dans l'etat ou j'etais, ma sante et ma vie.
Pour recompense, on me dit et on m'ecrit de tous cotes: "Vous vous
compromettez, vous vous perdez, vous vous deshonorez, vous etes
bonapartiste! Demandez et obtenez pour nous; mais haissez l'homme qui
accorde, et, si vous ne dites pas qu'il mange des enfants tout crus,
nous vous mettons hors la loi."
Cela ne m'effraye nullement, je comptais si bien la-dessus! Mais cela
m'inspire un profond mepris et un profond degout pour l'esprit de parti,
et je donne de bien grand coeur, non pas au president, qui ne me l'a
pas demandee, mais a Dieu, que je connais mieux que bien d'autres, _ma
demission politique_, comme dit ce pauvre Hubert. J'ai droit de la
donner, puisque ce n'est pas pour moi une question d'existence.
Je sais que le president a parle de moi avec beaucoup d'estime et que
ceci a fache des gens de son entourage. Je sais qu'on a trouve mauvais
qu'il m'accordat ce que je lui demandais; je sais que l'on me tordra le
cou de ce cote-la si on lui tord le sien, ce qui est probable. Je sais
aussi qu'on repand partout que je ne sors pas de l'Elysee et que les
rouges accueillent l'idee de ma bassesse avec une complaisance qui
n'appartient qu'a eux; je sais, enfin, que, d'une main ou de l'autre,
je serai egorgee a la premiere crise. Je vous assure que ca m'est bien
egal, tant je suis degoutee de tout et presque de tous en ce monde.
Voila l'historique qui vous servira a redresser des erreurs si elles
sont de bonne foi. Si elles sont de mauvaise foi, ne vous en occupez
pas, je n'y tiens pas. Quant a ma pensee presente sur les evenements,
d'apres ce que je vois a Paris, la voici:
Le president n'est plus le maitre, si tant est qu'il l'ait ete
vingt-quatre heures. Le premier jour que je l'ai vu, il m'a fait l'effet
d'un envoye de la fatalite. La deuxieme fois, j'ai vu l'homme deborde
qui pouvait encore lutter. Maintenant, je ne le vois plus; mais je vois
l'opinion et j'apercois de temps en temps l'entourage: ou je me trompe
bien, ou l'homme est perdu, mais non le systeme, et a lui va succeder
une puissance de reaction d'autant plus furieuse, que la douceur du
temperament de l'homme sacrifie n'y sera plus un obstacle. Maintenant le
peuple et la bourgeoisie, qui murmurent et menacent a qui mieux mieux,
sont-ils d'accord pour ressaisir la Republique? ont-ils le meme but? le
peuple veut-il ressaisir le
|