politiques qui
defendent de montrer ses plaies au vainqueur, avide de les regarder et
d'en rire! Eh bien, peut-etre avez-vous raison en theorie, peut-etre
est-il des temps et des choses si necessaires a saisir, qu'il y ait un
farouche egoisme a marcher ainsi sur les blesses et sur les cadavres
pour arriver au but. Mais, si ces reproches que vous faites ne sont pas
justes! s'ils partent d'une prevention ardente, comme il en est entre
plus d'une fois dans l'ame des saints! les saints ont beau etre des
saints, ils sont toujours hommes, et ils mettent souvent, nous le voyons
a chaque instant dans l'histoire, une violence funeste, une intolerance
impitoyable dans le zele qui les devore. Je ne sais plus lequel d'entre
eux a nomme l'orgueil, la _maladie sacree_, parce qu'elle atteint
particulierement les ames puissantes et les esprits superieurs. Les
petits n'ont que la vanite; les grands ont l'orgueil, c'est-a-dire une
confiance aveugle dans leur certitude.
Eh bien, vous avez ete atteint de cette maladie sacree; vous avez commis
le peche d'orgueil le jour ou vous avez rompu ouvertement avec le
socialisme. Vous ne l'avez pas assez etudie, dans ses manifestations
diverses, il semble meme que vous ne l'ayez pas connu. Vous l'avez juge
en aveugle, et, prenant les defauts et les travers de certains hommes
pour le resultat des doctrines, vous avez frappe sur les doctrines, sur
toutes, quelles qu'elles fussent, avec l'orgueil d'un pape qui s'ecrie:
_Hors de mon Eglise, point de salut!_ Il y avait longtemps que je voyais
se developper votre tendance vers un certain cadre d'idees pratiques
exclusives. Je ne vous ai jamais tourmente de vaines discussions a cet
egard. Je ne connaissais pas assez l'Italie, je ne la connais pas encore
assez pour oser dire que ce cadre fut insuffisant pour ses aspirations
et ses besoins; vous regardant comme un des trois ou quatre hommes les
plus avances, les plus forts de cette nation, j'ai cru devoir vous dire,
lorsque vous parliez a l'Italie: "Dites toujours ce que vous croyez etre
la verite." Oui, j'ai du vous dire cela, et je vous le dirais encore si
vous parliez a l'Italie au milieu du combat. Quand on se bat, pourvu
qu'on se batte bien, tout stimulant ardent et sincere concourt a la
victoire. Mais, dans la defaite, ne faut-il pas devenir plus attentif
et plus scrupuleux? Songez que vous parlez maintenant non plus a une
nation, mais a un parti vaincu dans des circonstances si peu comparables
a celle
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