Maurice
t'embrasse de tout son coeur.
CCCLXVIII
A MAURICE SAND, A PARIS
Nohant, 13 decembre 18S3.
J'ai recu ta lettre, mon vieux Bouli. J'etais inquiete, toujours _a
propos de pommes cuites!_ et j'avait ecrit hier soir a Lambert de me
donner de tes nouvelles.
Je suis contente que tu ailles bien. Je vois bien aussi. Il a fait
aujourd'hui un temps charmant.
J'ai ete avant-hier au spectacle de la Chatre entendre des chanteurs
montagnards fort interessants.
Je travaille avec zele a une petite comedie qui m'interesse. C'est pour
le Gymnase.--Je cultive toujours les nymphes de Trianon; mais leurs eaux
sont pourries. Ainsi finissent les nymphes en ce siecle de prose! Je ne
me degoute pourtant pas de Trianon, parce que les mousses et le lierre
sont de tous les temps et sont toujours prets a renaitre. Nini a une
brouette et s'en va _bruquant_ dans tous les arbres. Elle est tres
gentille et demande pourquoi tu es a Paris quand elle est a Nohant.
Rien de nouveau, qu'une lettre de Titine que je t'envoie. Travaille,
amuse-toi et aime-moi. Je te _bige_ mille fois.
CCCLXIX
A JOSEPH MAZZINI A LONDRES
Nohant, 15 decembre 1853.
Je n'ai pas cesse de vous cherir et de vous respecter, mon ami. Voila
tout ce que je peux vous dire; la certitude que toutes les lettres sont
ouvertes et commentees doit necessairement gener les epanchements de
l'affection et les confidences de la famille.
Vous dites que je suis resignee, c'est possible; j'ai de grandes raisons
pour l'etre, des raisons aussi profondes, a mes yeux, aussi religieuses
et aussi philosophiques que vous paraissent celles qui vous defendent la
resignation. Pourquoi supposez-vous que ce soit lachete ou epuisement?
Vous m'avez ecrit a ce sujet des choses un peu dures. Je n'ai pas voulu
y repondre. Les affections serieuses sont pleines d'un grand respect,
qui doit pouvoir etre compare au respect filial. On trouve parfois les
parents injustes, on se tait plutot que de les contredire, on attend
qu'ils ouvrent les yeux.
Quant aux allusions que vous regrettez de ne pas voir dans certains
ouvrages, vous ne savez guere ce qui se passe en France, si vous pensez
qu'elles seraient possibles. Et puis, vous ne vous dites peut-etre pas
que, quand la liberte est limitee, les ames franches et courageuses
preferent le silence a l'_insinuation_. D'ailleurs, la liberte fut-elle
retablie pour nous, il
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