n'est pas certain que je voulusse toucher
maintenant a des questions que l'humanite n'est pas encore digne de
resoudre et qui ont divise jusqu'a la haine les plus grands, les
meilleurs esprits de ce temps-ci.
Vous vous etonnez que je puisse faire de la litterature; moi, je
remercie Dieu de m'en conserver la faculte, parce qu'une conscience
honnete, et pure comme est la mienne, trouve encore, en dehors de toute
discussion, une oeuvre de moralisation a poursuivre. Que ferais-je donc
si j'abandonnais mon humble tache? Des conspirations? Ce n'est pas ma
vocation, je n'y entendrais rien. Des pamphlets? Je n'ai ni fiel ni
esprit pour cela. Des theories? Nous en avons trop fait et nous sommes
tombes dans la dispute, qui est le tombeau de toute verite, de toute
puissance: Je suis, j'ai toujours ete artiste avant tout; je sais que
les hommes purement politiques ont un grand mepris pour l'artiste, parce
qu'ils le jugent sur quelques types de saltimbanques qui deshonorent
l'art. Mais vous, mon ami, vous savez bien qu'un veritable artiste est
aussi utile que le _pretre_ et le _guerrier_; et que, quand il respecte
le vrai et le bon, il est dans une voie ou Dieu le benit toujours. L'art
est de tous les pays et de tous les temps; son bienfait particulier est
precisement de vivre encore quand tout semble mourir; c'est pour cela
que la Providence le preserve des passions trop personnelles ou
trop generales, et qu'elle lui donne une organisation patiente et
persistante, une sensibilite durable et le sens contemplatif ou repose
la foi invincible.
Maintenant, pourquoi et comment pensez-vous que le calme de la volonte
soit la satisfaction de l'egoisme? A un pareil reproche, je n'aurais
rien a repondre, je vous l'avoue; je ne saurais dire que ceci: Je ne le
merite pas. Mon coeur est transparent comme ma vie, et je n'y vois point
pousser de champignons veneneux que je doive extirper; si cela m'arrive,
je combattrai beaucoup, je vous le promets, avant de me laisser envahir
par le mal.
Je repondrai a M. Linton dans quelques jours. C'est une affaire, en
somme, et il faut que je m'occupe de cette affaire, c'est-a-dire que je
consulte, que je relise des traites: le tout pour savoir si je ne suis
pas empechee pour clause _entendue_ ou _sous-entendue_, dont je ne me
souviens pas. Sous le rapport des interets materiels, je suis restee
dans un idiotisme absolu; aussi j'ai pris un homme d'affaires qui se
charge de tout le positif de ma vie; je d
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