_Le Demon du foyer._
CCCLVII
A MAURICE SAND, A PARIS
Nohant, 14 septembre 1852.
Je t'envoie la lettre d'Hetzel d'aujourd'hui. Tu verras qu'il faut aller
trouver Nanteuil au plus vite[1] si tu ne veux tomber dans le Gerard
Seguin, qui me semble bien mou et peu mariable avec toi.
Tu verras les reflexions de ce bon Hetzel sur les journalistes. Il les
craint comme un editeur qu'il est. Il se trompe sur ce que je veux les
empecher de dire. Je desire, au contraire, qu'ils soient de plus en plus
mauvais; laches et mechants, qu'ils jettent le masque enfin devant le
sang-froid et la dignite des gens qui sauront comme moi leur dire: "Vous
voyez bien ce que vous faites et ce que vous dites? Ca m'est egal,
a moi; mais je prends le public a temoin de la maniere dont vous
remplissez votre mandat; je releve les injures que vous m'adressez, je
les signale a l'appreciation de tous. Continuez, vous me ferez plaisir."
Qu'ont-ils a dire? des sottises toujours? Tant mieux. Je suis d'un
trop grand sang-froid sur ces choses-la, et trop inattaquable dans ma
conscience et dans ma delicatesse pour ne pas les reduire au silence, ou
a des fureurs qui les deshonoreront. Laissons faire, je tiens bon.
Hetzel s'inquiete des querelles, des duels meme que cela peut attirer a
toi et a mes amis. Mes amis n'ont pas le droit de se meler de cela, je
m'y suis toujours opposee, je m'y opposerai toujours. Quant a toi, comme
toi et moi c'est la meme chose, pour rien au monde il ne faut commettre
notre cause dans cette ressource bete et brutale.
Quelque injure qu'on m'adresse, j'ai une epee plus forte dans les mains
que la leur, et je ne veux pas etre reduite au silence par la menace de
l'epee du duel, ni de ta part, ni de la leur.
_Nello_ leur fera faire quelques reflexions la-dessus, sur l'odieux
d'attaquer une femme dans son fils, ou le fils dans sa mere. La plus
grande tranquillite et la plus grande circonspection de conduite sont
donc necessaires. Ne te laisse entrainer a aucun depit, a aucune
impatience qui me paralyserait dans ma lutte. Evite meme les propos
autour de toi et sois tranquille. La plupart de ces messieurs, et M.
Jules Lecomte en tete, sont si meprisables, qu'on aurait, au besoin, le
droit de leur refuser tout autre combat que celui des coups de pied au
derriere, et ils ne les chercheront pas.
J'arrive a la fin du roman; je: pense _Mauprat_. Sois tranquille. Il
faudra que je m'en tire
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