e votants, representant la volonte de
la France en vertu du principe du suffrage universel (je dis cinq a six
millions pour laisser un ou deux millions de voix aux eventualites de la
corruption et de l'intimidation), cinq a six millions de voix ont decide
du sort de la France.
Eh bien, sur ce nombre considerable de citoyens, cinq cent mille;, _tout
au plus_, connaissent les ecrits de Leroux, de Cabet, de Louis Blanc,
de Vidal, de Proudhon, de Fourier, et de vingt autres plus ou moins
socialistes dans le sens que vous signalez. Sur ces cinq cent mille
citoyens, cent mille tout au plus ont lu attentivement et compris
quelque peu ces divers systemes; aucun, j'en suis persuadee, n'a songe a
en faire l'application a sa conduite politique. Croire que ce soient les
ecrits socialistes, la plupart trop obscurs, et tous trop savants,
meme les meilleurs, qui ont influence le peuple, c'est se fourrer dans
l'esprit gratuitement la plus etrange vision qu'il soit possible de
donner pour un fait reel.
Vous me direz peut-etre que ces ecrits ont determine des abstentions
nombreuses; je vous demanderais si c'est probable, et pourquoi cela
serait-il? L'abstention, la ou elle se decrete, n'est jamais qu'une
mesure politique, une protestation ou un acte de prudence pour eviter de
se faire compter quand on se sait en petit nombre. Les partisans de
la politique pure se sont abstenus peut-etre plus encore que les
socialistes, dans les dernieres elections. En de certaines localites, on
s'est fait un devoir de s'abstenir; en de certaines autres, on a risque
le contraire, sans que, nulle part, on se soit divise sur l'opportunite
du fait, au nom du socialisme ou de la politique.
C'est donc, selon moi, une complete erreur d'appreciation des faits que
ce cri jete par vous a la face du monde: _Socialistes! vous avez perdu
la France!_ Admettons, si vous l'exigez, que les socialistes soient, par
caractere, des scelerats, des ambitieux, des imbeciles, tout ce que vous
voudrez. Leur impuissance a ete tellement constatee par leur defaite,
qu'il y a injustice et cruaute a les accuser du desastre commun.
Mais, d'abord, qu'est-ce que le socialisme? A laquelle de ses vingt
ou trente doctrines faites-vous la guerre? Il regne dans vos attaques
contre lui une complete obscurite, vous n'avez presque rien designe,
vous n'avez nomme presque personne. Je comprends la delicatesse de cette
reserve; mais est-elle conciliable avec la verite, quand vous invoquez
c
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