'avaient nulle intention de
s'en servir; enfin que la, comme partout, aujourd'hui comme toujours,
les braillards sont des laches.
Et voila un homme sans tache qui vient prononcer que par ici il y a des
braves, par la des endormis; qu'il existe en France un parti d'union,
d'amour, de courage, d'avenir, au detriment de tous les autres! Osez
donc le nommer, ce parti! Un immense eclat de rire accueillera votre
assertion. Non, mon ami, vous ne connaissez pas la France. Je sais bien
que, comme toutes les nations, elle pourrait etre sauvee par une poignee
d'hommes vertueux, entreprenants, convaincus. Cette poignee d'hommes
existe. Elle est meme assez grosse. Mais ces hommes isolement ne peuvent
rien. Il faut qu'ils s'unissent. Ils ne le peuvent pas. C'est la faute
de celui-ci, tout comme la faute de celui-la; c'est la faute de tous,
parce que c'est la faute du temps et de l'idee. Voyez, vous-meme, vous
en etes, vous voulez les reunir, et en criant: _Unissez-vous!_ vous les
indignez, vous les blessez. Vous etes irrite vous-meme, vous faites des
categories, vous repoussez les adhesions, vous semez le vent, et vous
recueillez des _tempetes_.
Adieu; malgre cela, je vous aime et vous respecte.
CCCLIV
A MADEMOISELLE LEROYER DE CHANTEPIE, A ANGERS
Nohant, 2 juin 1852.
Helas! non, chere mademoiselle, je n'ai pas obtenu la grace de trois
cents personnes, bien que j'aie demande pour un chiffre de ce genre.
Mais, pour toutes sortes de raisons que vous pouvez apprecier sans que
je les confie a la poste, je ne devais pas, je ne pouvais pas etre
exaucee. Je ne l'ai ete que pour un bien petit nombre. Je compte par
vingtaines les amis que l'on m'emmene en Afrique ou que l'on bannit a
perpetuite.
Je comprends bien vos chagrins, c'est ma nourriture depuis six mois.
Dans ce moment, je suis en instance pour treize compatriotes au sujet
desquels je n'ai que des promesses, et qui sont a Lambessa probablement
a l'heure qu'il est; _je n'espere pas!_
Si, contre mon attente, leur grace etait accordee, j'oserais recommencer
pour votre filleul. Mais, en ce moment, je pense que ma priere
compromettrait la cause de mes amis sans succes pour vous. On me trouve
deja probablement bien trop exigeante et obstinee.
L'histoire que vous me racontez est celle de tous mes amis, et les
reflexions que vous faites, la douleur que vous eprouvez trouvent en moi
un echo fidele. Combien d'autres coeurs sont navres a
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