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yeux. Voici un systeme qui, au fond, porte en lui-meme un principe de
socialisme materialiste qu'il ne s'avoue pas, mais qui est sa destinee
propre, son inneite fatidique, son unique moyen d'etre, quoi qu'il fasse
pour s'y soustraire et pour caresser les besoins d'aristocratie qui le
rongent lui-meme. Le jour ou il laissera trop peser la balance de son
instinct aristocratique, il sera perdu. Il faut qu'il caresse le peuple
ou qu'il perisse. Il le sait bien et il fremit sur sa base a peine jetee
dans le sol. Pourquoi ce pouvoir est-il impossible a consolider sans
violence et sans faiblesse? Car il offre le spectacle de ces deux
extremes qui se touchent toujours et partout. C'est parce qu'il est
l'oeuvre des souvenirs du passe, impuissant a entraver comme a fonder
l'avenir, et a obtenir un autre resultat que le desordre moral et le
chaos intellectuel. Si l'ordre materiel reussit a s'y faire, et j'en
doute, quel sera le progres veritable? Aucun, selon moi, dont l'avenir
puisse lui savoir gre. A present que je le regarde et que je le juge
avec calme, je vois son oeuvre et son role dans l'histoire. Il est une
necessite materielle des temps qui l'ont produit. Il est une veritable
lacune dans le sens providentiel des evenements humains.
Il y a des jours, des mois, des annees dans la vie des individus, comme
dans celle des nations, ou la destinee semble endormie et la Providence
insensible a nos maux et a nos erreurs. Dieu semble s'abstenir, et nous
sommes forces, par la fatigue et l'absence de secours exterieurs, de
nous abstenir nous-memes de travailler a notre salut; sous peine de
precipiter notre ruine et notre mort, nous sommes dans une de ces
phases. Le temps devient le seul maitre, le temps qui au fond, n'est
que le travail invincible de cette mysterieuse Providence voilee a nos
regards. Je prendrai un exemple plus saisissant et je comparerai le
peuple, que nous avons essaye d'eclairer, a un enfant tres difficile a
manier, tres aveugle, assez ingrat, fort egoiste et innocent, en somme,
de ses propres fautes, parce que son education a ete trop tardive et ses
instincts trop peu combattus; un veritable enfant, en un mot: tous se
ressemblent plus ou moins. Quand tous les moyens ont ete tentes, dans
l'etroite limite ou de sages parents peuvent lutter contre la societe
corrompue qui leur dispute et leur arrache l'ame de cet enfant, n'est-il
pas des jours ou nous sentons qu'il faut le laisser a lui-meme et
esperer sa gueris
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