egorgent dans les bras de la mort.
Mais je dis que vous ne pouvez plus rien avec ces passions-la.
Votre sagesse, par consequent votre force, serait de les apaiser en
vous-memes, pour attendre l'issue du drame qui se deroule aujourd'hui
entre le principe de l'autorite personnelle et le principe de la liberte
commune: cela meriterait d'etre medite a un point de vue plus eleve
que l'indignation contre les hommes. Les hommes! faibles et aveugles
instrumens de la logique des causes!
Il serait bon de comprendre et de voir, afin d'etre meilleurs, pour etre
plus forts; au lieu de cela, vous vous usez, vous vous affaiblissez a
plaisir dans des emotions ardentes et dans des reves de chatiment que la
Providence, plus maternelle et plus forte que vous, ne mettra jamais,
j'espere, entre vos mains.
Adieu, mon ami! d'apres toute cette philosophie que j'avais besoin de me
resumer et de te resumer en rentrant dans le repos de la campagne,
tu vas croire que je m'arrange fort bien de ce qui est, et que je ne
souffre guere dans les autres. Helas! je ne m'en arrange pas, et j'ai
vu plus de larmes, plus de desespoirs, plus de miseres, dans ma petite
chambre de Paris, que tu n'en as pu voir en Belgique. La, tu as vu les
hommes qui partent; moi, j'ai vu les femmes qui restent! Je suis sur les
dents apres tant de tristesses et de fatigues dont il a fallu prendre ma
part, apres tant de perseverance et de patience dont il a fallu m'armer
pour aboutir a de si minces allegements. Je ne m'en croyais pas capable;
aussi j'ai failli y laisser mes os. Mais le devoir porte en soi sa
recompense. Le calme s'est fait dans mon ame, et la foi m'est revenue.
Je me retrouve aimant le peuple et croyant a son avenir comme a la
veille de ces votes qui pouvaient faire douter de lui, et qui ont porte
tant de coeurs froisses a le mepriser et a le maudire!
Je t'embrasse et je t'aime.
CCCLIII
A JOSEPH MAZZINI, A LONDRES
Nohant, 23 mai 1852.
Cher ami,
Je ne voudrais pas vous ecrire en courant, et pourtant, ou il faut que
je vous ecrive trop vite, ou il faut que je ne vous ecrive pas; car le
temps me manque toujours et je ne puis arriver a une seule journee ou
je ne sois pas talonnee, ahurie par un travail presse, des affaires a
subir, ou quelque service a rendre. Ma sante, ma vie y succombent. Ne me
grondez pas par-dessus le marche.
On a tort de s'irriter dans les lettres contre ceux qu'on aime. Il est
evident p
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