nd son jour, elle sent
que les hommes d'aucun parti ne veulent ou ne peuvent le lui hater.
Elle sait qu'elle se fut fait mitrailler en decembre au profit de
Changarnier, que Cavaignac et consorts eussent fait jonction avec
une bonne partie de la bourgeoisie. Nous tombions dans ce pouvoir
oligarchique et militaire; j'aime autant celui-ci. Je suis aussi bete et
aussi sage que le peuple: je sais attendre.
Et allons au fond du coeur humain. Pourquoi sais-je-attendre? Pourquoi
la majorite du peuple francais sait-elle attendre? Ai-je le coeur plus
dur qu'un autre? Je ne crois pas. Ai-je moins de dignite qu'un homme de
parti? J'espere que non. Le peuple souffre-t-il moins que vous autres?
J'en doute fort. Sommes-nous sur des roses dans ce pays-ci? Nous ne nous
en apercevons guere.
Pourquoi etes-vous plus presses que nous? C'est que vous etes pour la
plupart des ambitieux: les uns des ambitieux de fortune, de pouvoir
et de reputation; les autres, comme toi, des ambitieux d'honneur,
d'activite, de courage et de devouement; noble ambition sans doute que
celle-la, mais qui n'en a pas moins sa source dans un besoin personnel
d'agir a tout prix et de croire a soi-meme plus qu'il n'est toujours
sage et legitime d'y croire. Vous avez de l'orgueil, honnetes gens que
vous etes! vous etes peu chretiens! vous croyez que rien ne peut se
faire sans vous, vous souffrez quand on vous oublie, vous vous degoutez
quand on vous meconnait. Les vanites qui vous coudoient vous abusent,
vous chauffent et vous exploitent. Vous avez vecu a l'aise dans cette
Assemblee constituante qui a commence a egorger le socialisme sans s'en
douter, ou plutot en le voulant un peu; car vous ne vous disiez pas
encore socialistes a cette epoque, vous vous etes retrempes plus tard
dans le programme de la Montagne, qui est votre meilleure action, votre
seul ouvrage durable; mais il etait trop tard et trop tot pour que cela
produisit un bien immediat, vous aviez deja fait divorce a votre insu
avec le sentiment populaire, que vous eussiez voulu feconder, et qui
s'eteignait dans la mefiance; pour se jeter dans la passion ou se
laisser tomber dans l'inertie. Vous avez pourtant fait pour le mieux;
selon vos lumieres et vos forces; mais vous etiez pousses par les
passions autant que par les principes, et vous avez commis tous plus ou
moins, dans un sens ou dans l'autre, des fautes inevitables; qu'elles
vous soient mille fois pardonnees!
Je ne suis pas de ceux qui s'entr'
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