on de sa propre experience? Dans ces jours-la, n'est-il
pas evident que nos exhortations l'irritent, le fatiguent et l'eloignent
de nous? Crois-tu qu'une oeuvre de perseverance et de persuasion comme
celle de sa conversion peut s'accomplir par la menace et la violence?
L'enfant s'est donne a de mauvais conseils, a de perfides amis. Faut-il
venir sous ses yeux frapper, briser, aneantir ceux qui l'ont accapare?
Sera-ce un moyen, de reconquerir sa confiance? Bien loin de la! il les
plaindra, il les pleurera comme des victimes de notre fureur jalouse et
il leur pardonnera tout le mal qu'ils lui auront fait, par l'indignation
que lui causera celui que nous leur ferons. Le moyen le plus sur et
le plus naivement logique n'est-il pas, quand nous nous sentons
completement supplantes par eux, de laisser l'enfant egare, souffrir de
leurs trahisons et s'eclairer sur leur perfidie?
Il n'y a plus que le sentiment moral, le sentiment fraternel, le
sentiment evangelique qui puisse sauver cette nation de sa decadence. Il
ne faut pas croire que nous sommes a la veille de la decadence: nous y
sommes en plein, et c'est se faire trop d'illusions que d'en douter;
mais l'humanite ne compte plus ses revers et ses conquetes par periodes
de siecles. Elle marche a la vapeur aujourd'hui et quelques annees la
demoralisent, comme quelques annees la ressuscitent. Nous entrons dans
le Bas-Empire a pleines voiles; mais c'est a pleines voiles que nous en
sortirons. Les idees vraies sont emises pour la plupart, laissons-leur
le temps de s'incarner, elles ne sont encore que dans les livres et
sur les programmes. Elles ne peuvent pas mourir, elles veulent,
elles doivent vivre; mais attendons, car si nous bougeons dans les
circonstances fatales ou nous sommes, et ou nous sommes par notre faute,
nous allons les engourdir encore et mettre a leur place, des interets
materiels et des passions violentes. Arriere ces mots de haine et
de vengeance qui nous assimilent a nos persecuteurs. La haine et la
vengeance ne sont jamais sanctifiees par le droit, elles sont toujours
une ivresse, l'exercice maladif de facultes brutales et incoherentes.
Il n'en peut sortir que du mal, le desordre, l'aveuglement, les crimes
contre l'humanite, et puis la lassitude, l'isolement, l'impuissance.
Mon Dieu, les exces de notre premiere revolution ne nous ouvriront-ils
jamais les yeux? Les passions n'y ont-elles pas joue un role si violent,
qu'elles y ont tue l'idee, et que Robespierr
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