suffrage universel? la bourgeoisie veut-elle
le lui accorder? qui se mettra avec ou contre l'armee si elle egorge de
nouveau les passants dans les rues?
Que ceux qui croient a des elements de resistance contre ce qui existe
esperent et desirent la chute de Napoleon! Moi, ou je suis aveugle ou je
vois que le grand coupable, c'est la France, et que, pour le chatiment
de ses vices et de ses crimes, elle est condamnee a s'agiter sans
solution durant quelques annees, au milieu d'effroyables catastrophes.
Le president, j'en reste et j'en resterai convaincue, est un infortune,
victime de l'erreur et de la souverainete du but. Les circonstances,
c'est-a-dire les ambitions de parti, l'ont porte au sein de la
tourmente. Il s'est flatte de la dominer; mais il est deja submerge a
moitie et je doute qu'a l'heure qu'il est, il ait conscience de ses
actes.
Adieu, mon ami; voila tout pour aujourd'hui. Ne me parlez plus de ce
qu'on dit et ecrit contre moi. Cachez-le-moi; je suis assez degoutee
comme cela et je n'ai pas besoin de remuer cette boue. Vous etes assez
renseigne par cette lettre pour me defendre s'il y a lieu, sans me
consulter. Mais ceux qui m'attaquent meritent-ils que je me defende? Si
mes amis me soupconnent, c'est qu'ils n'ont jamais ete dignes de l'etre,
qu'ils ne me connaissent pas, et alors je veux m'empresser de les
oublier.
Quant a vous, cher vieux, restez ou vous etes jusqu'a ce que cette
situation s'eclaircisse, ou bien, si vous voulez venir pour quelque
temps, dites-le-moi. Baraguay-d'Hilliers ou tout autre peut, je crois,
demander un sauf-conduit pour que vous veniez donner un coup d'oeil a
vos affaires. Mais n'essayons rien de definitif avant que le danger d'un
nouveau bouleversement soit ecarte des imaginations.
GEORGE SAND.
CCCXLVIII
A M. ERNEST PERIGOIS, A LA PRISON DE CHATEAUROUX
Paris, 24 fevrier 1852.
Mon cher ami, je vous remercie de votre bonne lettre. Elle m'a fait un
grand plaisir. On ne me soupconne donc pas parmi vous? A la bonne
heure, je vous en sais gre, et je puiserai dans cette justice de mes
compatriotes un nouveau courage. Ce n'est pas la meme chose ici. Il y
a des gens qui ne peuvent croire au courage du coeur et au
desinteressement du caractere; et on m'abime par correspondance dans les
journaux etrangers. Qu'importe, n'est-ce pas?
Si je vous voyais, je vous donnerais des details sur mes demarches et
sur mes impressions personnell
|