ni debauche, ni voleur, ni sanguinaire. Il m'a parle assez
longuement et avec assez d'abandon pour que j'aie vu en lui certains
bons instincts et des tendances vers un but qui serait le notre.
Je lui ai dit: "Puissiez-vous y arriver! mais je ne crois pas que vous
ayez pris le chemin possible. Vous croyez que la fin justifie les
moyens; je crois, je professe la doctrine contraire. Je n'accepterais
pas la dictature exercee par mon parti. Il faut bien que je subisse la
votre, puisque je suis venue desarmee vous demander une grace; mais ma
conscience ne peut changer; je suis, je reste ce que vous me connaissez;
si c'est un crime, faites de moi ce que vous voudrez."
Depuis ce jour-la, le 6 fevrier, je ne l'ai pas revu; je lui ai ecrit
deux fois pour lui demander la grace de quatre soldats condamnes a mort,
et le rappel d'un deporte mourant. Je l'ai obtenue. J'avais demande pour
Greppo et pour Luc Desages, gendre de Leroux, en meme temps que pour
Marc Dufraisse. C'etait obtenu. Greppo et sa femme out ete mis en
liberte le lendemain. Luc Desages n'a pas ete elargi. Cela tient,
je crois, a une erreur de designation que j'ai faite en dictant au
president son nom et le lieu du jugement. J'ai repare cette erreur dans
ma lettre, et, en meme temps, j'ai plaide pour la troisieme fois
la cause des prisonniers de l'Indre. Je dis _plaide_, parce que le
president, et ensuite son ministre, m'ayant repondu sans hesiter
qu'ils n'entendaient pas poursuivre les opinions et la presomption
des intentions, les gens incarceres comme suspects avaient droit a la
liberte et allaient l'obtenir. Deux fois, on a pris la liste; deux fois,
on a donne des ordres sous mes yeux, et _dix fois_ dans la conversation,
le president et le ministre m'ont dit, chacun de son cote, qu'on avait
ete trop loin, qu'on s'etait servi du nom du president pour couvrir
des vengeances particulieres, que cela etait odieux et qu'ils allaient
mettre bon ordre a cette fureur atroce et deplorable.
_Voila toutes mes relations avec le pouvoir_, resumees dans quelques
demarches, lettres et conversations, et, depuis ce moment, je n'ai pas
fait autre chose que de courir de Carlier a Pietri, et du secretaire du
ministre de l'interieur a M. Baraguay, pour obtenir l'execution de ce
qui m'avait ete octroye ou promis pour le Berry, pour Desages, puis pour
Fulbert Martin, acquitte et toujours detenu ici; pour madame Roland,
arretee et detenue; enfin, pour plusieurs autres que je ne connai
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