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pourrais, et j'ai bien fait de ne pas porter vos idees et vos projets
sur ce travail, puisque, mes dettes payees, il ne me reste pas un
centime. C'est donc pour une autre piece, si elle reussit sous le
rapport des ecus, et pour une autre annee probablement, si vous etes
libre quand je serai riche. Il faut aussi que je rentre dans la
disposition d'une petite maison que j'ai dans le village, et qui
est louee a bail, jusqu'en novembre prochain. Je la ferai arranger
proprement pour que vous y puissiez loger, si nos projets se realisent;
car, maintenant, avec les arrangements que Maurice a faits dans la
grande maison, les amis qui y sont a demeure et le theatre, il ne me
resterait pas un coin grand comme la main pour loger votre famille. Si
j'avais eu ce logement libre, je vous aurais fait venir cet hiver pour
le calorifere, dont je ne pouvais plus me passer, et que j'ai fait
construire par un homme du pays. Mais je n'aurais pas pu vous separer
deux mois, n'est-ce pas? de Desiree et de Solange, et je n'aurais
pas voulu vous mettre tous les trois sur un lit de sangle, dans une
soupente. Cette question-la m'a empechee de suivre mon desir, et meme de
vous en parler.
Esperons que tout ne sera, pas bouleverse en 1852, comme les bourgeois
le pretendent. Je crois, au contraire, qu'on ne bouleversera pas assez!
Alors, nous pourrons passer six mois ensemble en famille. Dans ce
moment, j'emprunte une somme a interets pour faire, a mes frais, la
publication de mes oeuvres completes, a quatre sous la livraison. Ce
sera enfin le moyen de populariser des ouvrages faits en grande
partie pour le peuple, mais que, grace aux speculations stupides et
aristocratiques des editeurs, les bourgeois seuls ont lus. C'est une
grande affaire dont je confie le soin a Hetzel. S'en tirera-t-il; et
m'en tirerais-je moi meme? A la garde de Dieu! Je crois que c'etait un
devoir, le principal devoir de ma vie, et je le remplis a mes risques et
perils.
Bonsoir, cher enfant; je vous embrasse de coeur, ainsi que Desiree et
Solange. Maurice vous embrasse aussi.
Borie est en Belgique et m'ecrit souvent.
CCCXXIX
A M. EDMOND PLAUCHUT, A PARIS
Nohant, 11 avril 1851.
Votre lettre m'a beaucoup touchee, monsieur, et, dans le service que
vous ont rendu les miennes, je vois quelque chose de providentiel entre
Dieu, vous et moi. Je n'ai pas l'habitude de repondre a cette foule de
lettres oiseuses et inutiles qu'on ec
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