seulement que nous avons sombre tant de
fois.
Toute forme sociale, tout mouvement d'hommes et de choses seraient bons
a une nation bonne. Mais ce qui s'est fletri en nous, ce qui fait qu'en
ce moment, nous sommes peut-etre ingouvernables par la seule logique du
fait; ce qui fait que vous verrez peut-etre echapper la docilite humaine
a la politique la plus vigoureuse et la plus savante, c'est l'absence de
vertu chretienne, c'est le dessechement des coeurs et des entrailles.
Tous les partis ont subi l'atteinte de ce mal funeste, oeuvre de
l'invasion etrangere et du refoulement de la liberte nationale; partant,
de sa dignite.
C'est ce que, dans une de vos lettres, vous appeliez le developpement du
ventre, l'atrophie du coeur. Qui nous sauvera, qui nous purifiera, qui
amollira nos instincts sauvages? Vous avez voulu resumer en vous la
France, vous avez assume ses destinees, et vous voila responsable de son
ame bien plus que de son corps devant Dieu. Vous l'avez pu, vous seul le
pouvez; il y a longtemps que je l'ai prevu, que j'en ai la certitude, et
que je vous l'ai predit a vous-meme lorsque peu de gens y croyaient en
France. Les hommes a qui je le disais alors, repondaient:
--Tant pis pour nous! nous ne pourrons pas l'y aider, et, s'il fait
le bien, nous n'aurons ni le plaisir ni l'honneur d'y contribuer.
N'importe! ajoutaient-ils, que le bien se fasse, et qu'apres, l'homme
soit glorifie!
Ceux qui me disaient cela, prince, ceux qui sont encore prets a le
dire, il en est qu'en votre nom, on traite aujourd'hui en ennemis et en
suspects.
Il en est d'autres moins resignes sans doute, moins desinteresses
peut-etre, il en est probablement d'aigris et d'irrites, qui, s'ils me
voyaient en ce moment implorer grace pour tous, me renieraient un peu
durement. Qu'importe a vous qui, par la clemence, pouvez vous elever
au-dessus de tout! qu'importe a moi qui veux bien, par le devouement,
m'humilier a la place de tous! Ce serait de ceux-la que vous seriez le
plus venge si vous les forciez d'accepter la vie et la liberte, au lieu
de leur permettre de se proclamer martyrs de la cause.
Est-ce que ceux qui vont perir a Cayenne ou dans la traversee ne
laisseront pas un nom dans l'histoire, a quelque point de vue qu'on
les accepte? Si, rappeles par vous, par un acte non de pitie mais de
volonte, ils devenaient inquietants (ces trois ou quatre mille, dit-on)
pour l'elu de cinq millions, qui blamerait alors votre logique de les
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