ces
pretres erigerent l'Eucharistie en un culte idolatrique, auquel les
citoyens n'eurent droit de participer que selon leur bon plaisir. Ils
prirent les clefs des consciences dans le secret de la confession; et
la coupe sainte, la coupe glorieuse ou l'indigent allait desalterer et
retremper son ame, fut enfermee dans des coffres de cedre et d'or, d'ou
elle ne sortait plus que pour approcher des levres du pretre. Lui seul
etait digne de boire le sang et les larmes du Christ. L'humble croyant
devait s'agenouiller devant lui, et lecher sa main pour manger le pain des
anges! Comprenez-vous maintenant pourquoi le peuple s'ecria tout d'une
voix: _La coupe! rendez-nous la coupe!_ La coupe aux petits, la coupe
aux enfants, aux femmes, aux pecheurs et aux alienes! la coupe a tous les
pauvres, a tous les infirmes de corps et d'esprit; tel fut le cri de
revolte et de ralliement de toute la Boheme. Vous savez le reste,
Consuelo; vous savez qu'a cette idee premiere, qui resumait dans un
symbole religieux toute la joie, tous les nobles besoins d'un peuple fier
et genereux, vinrent se rattacher, par suite de la persecution, et au
sein d'une lutte terrible contre les nations environnantes, toutes les
idees de liberte patriotique et d'honneur national. La conquete de la
coupe entraina les plus nobles conquetes, et crea une societe nouvelle.
Et maintenant si l'histoire, interpretee par des juges ignorants ou
sceptiques, vous dit que la fureur du sang et la soif de l'or allumerent
seules ces guerres funestes, soyez sure que c'est un mensonge fait a
Dieu et aux hommes. Il est bien vrai que les haines et les ambitions
Particulieres vinrent souiller les exploits de nos peres; mais c'etait le
vieil esprit de domination et d'avidite qui rongeait toujours les riches
et les nobles. Eux seuls compromirent et trahirent dix fois la cause
sainte. Le peuple, barbare mais sincere, fanatique mais inspire, s'incarna
dans des sectes dont les noms poetiques vous sont connus. Les Taborites,
les Orebites, les Orphelins, les Freres de l'union, c'etait la le peuple
martyr de sa croyance, refugie sur les montagnes, observant dans sa
rigueur la loi de partage et d'egalite absolue, ayant foi a la vie
eternelle de l'ame dans les habitants du monde terrestre, attendant la
venue et le festin de Jesus-Christ, la resurrection de Jean Huss, de Jean
Ziska, de Procope Rase, et de tous ces chefs invincibles qui avaient
preche et servi la liberte. Cette croyance n'est poin
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