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l'astronomie et la musique; car telle etait restee la division
encyclopedique de l'enseignement au XIIe siecle[14]. Il prit meme des
lecons d'un certain maitre qui se nommait Tirric, et qui se chargea de
lui apprendre les mathematiques. On appelait ainsi une science fort
suspecte ou l'etude des proprietes des nombres et des figures s'unissait
a celle de leurs vertus symboliques et mysterieuses[15].
[Note 14: Cette division septuple des sciences est indiquee partout
et subsista longtemps. On en trouve l'origine dans Cassiodore et saint
Augustin. (_Divinar. Lect._, c. XXVII.--_De Ordin._, t. II, c. XII,
etc.--_Retract._, l. I, c. VI.--Cf. Budd. _Observ. select._ IV, t. I, p.
47, 51, 55.)]
[Note 15: C'est Abelard qui nous donne lui-meme cette idee des
mathematiques. "Ea quoque scientia cujus nefarium est exercitium, quae
mathematica appellatur, mala putanda non est." (Ouv. ined. _Dialect._,
p. 435.--Johan. Saresb. _Policrat._, l. II, c. XVIII et XIX, et Duconge,
ou mot _Mathematica_.)]
Pierre prenait ces lecons sans bruit; deja il ne lui convenait plus de
paraitre apprendre; cependant il ne reussissait pas. Lui-meme a reconnu
qu'il n'a jamais pu savoir l'arithmetique[16]. Ce genre de travail
opposait a son esprit une difficulte inattendue, soit qu'il manquat
d'une aptitude naturelle, chose douteuse, car la dialectique ressemble
aux sciences du calcul; soit que, deja confiant et ambitieux, il ne
donnat a ses nouvelles etudes que les restes d'une attention trop
partagee; soit enfin que son esprit, deja rempli de savoir et preoccupe
de mille choses, ne fit qu'effleurer la surface de ces nouvelles
connaissances. Son maitre, a ce qu'il semble, en porta ce dernier
jugement; car le voyant un jour triste et comme indigne de ne pas
penetrer plus avant, il lui dit en riant: "Quand un chien est bien
rempli, que peut-il faire de plus que de lecher le lard?" Le mot d'une
latinite degeneree qui signifie _lecher_, composait, avec le dernier
mot de la plaisanterie vulgaire du maitre, un son qui ressemblait a
_Baiolard (Bajolardus)_[17]. On en fit dans l'ecole de Tirric le surnom
de Pierre, et ce surnom, qui rappelait un cote faible dans un homme a
qui l'on n'en savait pas, fit fortune. L'etudiant en prit son parti, et
acceptant ce sobriquet d'ecole, dont il changea quelque peu le son et
le sens, il se fit appeler Abelard (_Habelardus_), se vantant ainsi de
posseder ce qu'on l'accusait de ne pouvoir prendre, et, s'il fallait en
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