oeud gordien de la philosophie.
Quand il eut refute le realisme dans Guillaume de Champeaux, il
pretendit se garantir du nominalisme, et il refuta Roscelin. Il insista
principalement sur cet argument que, s'il n'existe a la lettre que des
individus, les noms generaux seront eux-memes des noms d'individus; et,
de la sorte, les individualites seront identiques aux generalites,
les parties se confondront avec le tout, et c'en sera fait de toute
difference essentielle, de toute difference qui separe les especes
des genres, les individus des especes, et les parties des touts. On
retomberait ainsi par une autre voie dans l'unite confuse a laquelle
mene le realisme, ou bien il faudrait mutiler la science et egaler
au neant tout ce qui est designe par les noms generaux. Or, ces noms
generaux ont certainement une valeur. Ils repondent a ce qu'entend
l'esprit de l'homme, lorsqu'il embrasse une collection d'individus ou de
choses particulieres, en les rapprochant par leurs communs caracteres,
et lorsqu'il _concoit_ cette multitude comme une unite, ou l'un des
etres qui la composent comme faisant partie de cette totalite. Ainsi
les universaux sont les expressions de _conceptions_ fondees sur les
realites[41].
[Note 41: Ouvr. ined., _De Gener. et Spec._, p. 522, 524 et
suiv.--Voyez aussi le livre II de cet ouvrage, c. viii, ix et
x.--Abelard a bien donne, d'apres Boece, cette theorie de la formation
des idees generales; mais il n'a pas soutenu que les genres et les
especes ne fussent rien que ces idees. Sa doctrine est plus subtile et
plus scientifique. Ce sont les modernes qui n'en ont extrait que cela.]
Telle etait la doctrine qu'Abelard passe pour avoir soutenue, et que les
classificateurs de systemes ont appelee le _conceptualisme_. Ce nom se
lit dans les histoires de la philosophie, qui cependant ont toutes
ete ecrites avant que les ouvrages philosophiques d'Abelard fussent
connus[42].
[Note 42: Ces ouvrages n'ont en effet paru qu'en 1836. Aucun des
auteurs anterieurs a cette epoque ne dit les avoir etudies ou connus en
manuscrit. Ce qu'on avait de plus certain sur la philosophie d'Abelard,
c'etait quelques lignes sommaires et obscures dans l'_Historia
calamitatum_, et le dire plus clair, mais non moins succinct, d'Othon de
Frisingen et de Jean de Salisbury. (_Ab. Op._, ep. i, p. 5.--Ott. Fris.
_De Gest. Frid._, l. I, c. CLVII, et Johan. Saresb., _Rec. des Hist._,
t. XIV, p. 300.)]
L'ardeur de l'esprit, la curiosite
|