reconnaitre Roscelin.
Le sarcasme sur le _morceau de poisson roti_ (_partem piscis assi_, Luc.
XXIV, 42) est une allusion a la doctrine qui refusait l'existence
reelle aux parties du tout comme aux qualites de la substance, d'ou il
resultait que les qualites et les parties n'etaient que des mots. Au
reste, dans ce systeme pris au sens le plus absolu, ce n'est pas le
poisson qui eut ete un mot, mais la partie seulement. (Ouvr. ined.,
Intr., p. xc. _Dial_., p. 471.) Quant a la flagellation de Roscelin,
elle n'est, que je sache, rapportee nulle part. Avant de quitter la
France, sous le coup de la sentence du concile de Soissons, Roscelin est
designe constamment comme maitre et chanoine de Compiegne, ou il n'y
avait pas de chapitre de Saint-Martin. Les auteurs de l'_Histoire
litteraire_ ne voient pas de difficulte a croire que, rentre en France,
il fut chanoine de Saint-Martin a Tours; mais ils ne citent ni ce
passage ni aucune autorite, car Duboulai qu'ils nomment n'en parle pas.
(_Hist. litt_., t. IX, p. 301).--_Hist. Univ. paris_., t. I, p. 443,
485, 493, 639.]
C'est dans ces termes, ou se trahit peut-etre plus de colere que de
mepris, qu'Abelard livrait son ennemi a l'execration de l'Eglise,
oubliant trop sans doute qu'au temps ou il vivait les memes anathemes
attendaient quiconque avait innove dans la dialectique et par elle dans
la theologie, et que le glaive sacre etait deja leve sur la tete du
contempteur de Roscelin, temeraire vainqueur de Guillaume de Champeaux
et d'Anselme de Laon.
Rien n'etait fort a craindre, en effet, dans cet effort desespere d'un
auteur de systeme qui, se sentant menace de l'oubli, voulait envelopper
dans une communaute d'heresie et de disgrace celui qu'il n'avait pu
annuler ou trainer a sa suite. Malgre cette denonciation odieuse,
repoussee avec une violence qui ne le semble guere moins, ce n'etait
pas le proscrit Roscelin que devait redouter Abelard; mais les anciens
sectateurs du realisme, mais les amis de Guillaume et d'Anselme morts
sans vengeance[107]; mais quelques disciples fideles a leur memoire et
bienvenus aupres des princes de l'Eglise; mais cet Alberic et ce Lotulfe
dont il avait rencontre de bonne heure l'opposition vigilante, et qui
voulaient dominer a leur tour et recueillir tout l'heritage de
leurs maitres; voila ceux dont l'inimitie devait lui faire eprouver
cruellement sa puissance.
[Note 107: C'est Abelard qui dit positivement qu'ils etaient morts
a celle epoque (c
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