ceder
pour lui, afin d'obtenir de son abbe l'absolution et la permission de
vivre suivant la regle monastique, partout ou bon lui semblerait. Adam
voulut en conferer avec les moines qui l'avaient accompagne et promit
une reponse avant son depart. La reponse fut qu'il y allait de l'honneur
de leur abbaye, s'ils laissaient le frere indocile passer dans un autre
couvent, comme il en avait sans doute le dessein, et qu'apres avoir
autrefois choisi leur maison pour asile, il ne pouvait l'abandonner sans
outrage. Puis, n'ecoutant personne, pas meme le comte, ils menacerent
le fugitif de l'excommunier, s'il ne rentrait aussitot au bercail, et
interdirent sous toutes les formes, au prieur qui l'avait accueilli,
de le retenir plus longtemps, s'il ne voulait avoir sa part de
l'excommunication.
Cette reponse jeta Abelard et son ami dans une grande anxiete; mais,
quelques jours apres les avoir quittes, l'abbe Adam mourut le 19 fevrier
1122[134]. Un autre lui succeda le 10 mars suivant; c'etait Suger, celui
qui devait etre un jour regent du royaume.
[Note 134: M. Alexandre Lenoir donne la pierre tumulaire d'Adam.
_Musee des mon. franc._, t. 1, p. 234, pl. n deg. 518.--Cf. _Gall. Christ._,
t. VII, p. 308.]
Suger etait alors un homme tout politique, un simple diacre employe par
le roi aux plus grandes affaires, et a l'epoque ou il devint abbe, en
ambassade a Rome aupres du pape. Abelard, accompagne de l'eveque de
Meaux Burchard, qui s'interessait a lui, se rendit aupres du nouvel
abbe, ou de celui qui le suppleait jusqu'a son retour, et renouvela les
demandes adressees au predecesseur. La decision se faisant attendre,
peut-etre parce qu'on attendait Suger, il se pourvut, grace a
l'entremise de quelques amis, par-devant le roi et son conseil. Il ne
trouva pas que Louis VI eut grand souci de la qualite d'Areopagite
pour le patron de la royale abbaye qui devait garder son tombeau, et
l'affaire reprit une tournure favorable.
Etienne de Garlande, alors grand-senechal de l'hotel, se chargea de tout
arranger. Il etait diacre aussi comme Suger; mais homme d'Etat et homme
de guerre, il entrait peu dans les desirs ou les convenances du clerge,
et saint Bernard regardait l'un et l'autre ministre comme deux calamites
pour l'Eglise[135].
[Note 135: Voyez la lettre qu'il ecrivit quatre ans apres a l'abbe
Suger pour le feliciter sur sa conversion. (Saint Bern. _Op.,_ ep.
LXXVIII.)]
Abelard avait compte sur la politique du conseil du roi
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