sophique qu'il trouva au Paraclet, ont fixe l'attention d'un auteur
que nous citerons a cause de son nom et parce qu'il est un des premiers
en date qui aient parle de lui. Petrarque a fait un traite sur la vie
solitaire, ou il vante les philosophes qui ont cherche la retraite, et
cite, apres avoir nomme quelques anciens, "recentiorem unum nec valde
remetum ab relate nostra.... apud quosdam.... suspectae fidei, at
profecto non humilis ingenii, Petrum illum cui Abaelardi cognomen." (_De
vit. solitar_., l. II, sect. VI, c. I.)]
Mais jamais il ne pouvait demeurer ignore du reste du monde, et son
desert etait a moins de trente lieues de Paris. On connut bientot sa
retraite, et sans doute il ne mit nul soin a la cacher. Le maitre
Pierre vit accourir aux champs pour l'entendre une nouvelle generation
d'ecoliers. Les cites et les chateaux furent desertes pour cette
Thebaide de la science[139]. Des tentes se dresserent autour de lui; des
murs de terre couverts de mousse s'eleverent pour abriter de nombreux
disciples qui couchaient sur l'herbe et se nourrissaient de mets
agrestes et de pain grossier. Comme saint Jerome au milieu des deserts
de Bethleem, il se plaisait a ce contraste d'une vie rude et champetre
unie aux delicatesses de l'esprit et aux raffinements de la science; et
peu a peu, entoure d'une affluence croissante, regardant ces nombreux
disciples qui batissaient eux-memes leurs cabanes sur le bord de la
riviere, il se sentait console; il se disait que ses ennemis lui avaient
tout enleve et que l'on quittait tout pour le suivre. De moment en
moment, il pensait que la gloire revenait a lui. Que devaient dire les
envieux? La persecution, loin de leur profiter, servait a renouveler et
a singulariser sa fortune. On l'avait reduit a la derniere pauvrete;
comme le serviteur de l'Evangile, ne pouvant creuser la terre et
rougissant de mendier[140], voila que la vieille science, a laquelle
il devait tant, venait le sauver encore, et lui donnait une ecole a
conduire et un institut a fonder. C'etaient des disciples qui lui
preparaient ses aliments, qui cultivaient, qui batissaient pour lui,
qui lui fabriquaient ses habits; des pretres meme lui apportaient leurs
offrandes, et bientot, comme l'oratoire de roseaux etait insuffisant,
ses eleves le reconstruisirent en bois et en pierre. Ce petit edifice
avait ete dedie d'abord a la Trinite, divin objet des lecons et des
meditations d'Abelard a cette epoque; et meme il y avait fait pl
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