ite, cette distribution
etait entierement insignifiante, ou depouillait chacune des trois
personnes de deux de ces trois attributs egalement necessaires,
egalement divins. Dans le premier cas, l'unite absorbait les trois
personnes et faisait evanouir la Trinite; dans le second, la Trinite,
s'exagerant elle-meme, brisait l'unite et se produisait sous la forme
du tritheisme: voila pour l'erreur actuelle. Quant a l'erreur qu'on
pourrait nommer virtuelle et qui menacait surtout l'avenir, la voici:
dans la methode, dans le langage, dans cette intention de raisonner
la foi, de demontrer le mystere et d'assimiler la religion a la
philosophie, se devoilait evidemment le rationalisme chretien, origine
possible du rationalisme philosophique[125]. Mais comme assurement ces
consequences n'etaient pas distinctement dans l'esprit d'Abelard, comme
elles etaient compensees par des assertions contradictoires et d'une
eclatante orthodoxie, rachetees par la volonte sincere de ne point
s'ecarter de l'unite, le crime de l'heresie ne pouvait un moment lui
etre impute. Le livre etait dangereux peut-etre, mais l'auteur innocent;
et le jugement du concile, que ne condamne pas absolument la logique,
demeure une iniquite.
[Note 124: Le concile a ete blame par des autorites non suspectes,
comme l'historien d'Argentre, Dubouloi, Crevier, le P. Richard et
d'autres; nous n'ajouterons pas D. Gervaise, devenu suspect a force
d'engouement pour Abelard. Les ecrivains qui s'attachent a justifier le
concile de Sens semblent passer condamnation sur celui de Soissons. Au
reste, les actes de l'un comme de l'autre n'ont pas ete conserves, et
l'assemblee de 1121 ne nous est guere connue que par le recit d'Abelard,
un passage d'Othon de Frisingen et quelques mots de saint Bernard
et d'un de ses secretaires. (_Act. concil_., t. VI, para II, p.
1103.--Phil. Labbaei Concil. hist. synops.--_Anal. des conc_., par
le P. Richard, t. V, suppl.--10th. Fris. _De Gest. Frid_. l. I, c.
XLVII.--Saint Bern. _Op_., ep. CCCXXXI.--Gaufred. mon. Clar., _Rec. des
Hist_., t. XIV, p. 381.--Cf. Brucker, _Hist. crit. phil_., t. III, p.
149.)]
[Note 125: "Abailard est orthodoxe," dit Mme Guizot, "il ne veut pas
cesser de l'etre; une conviction prealable determine le but auquel il
veut arriver, et l'examen n'est pour lui qu'une maniere de s'exercer
dans un cercle dont il est determine a ne pas sortir, travail necessaire
d'un esprit qui marche sans avancer et enfante des nouveautes q
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