en effet eveque d'Athenes, fut bien aussi
l'Areopagite, celui que saint Paul convertit[130]. Sans songer a l'orage
qu'il allait soulever, Abelard communiqua sa decouverte a quelques-uns
des freres qui l'entouraient et leur montra en plaisantant le passage de
Bede. Les bons peres se facherent fort, traiterent Bede de menteur, et
lui opposerent victorieusement le temoignage d'Hilduin, leur abbe sous
Louis le Debonnaire, et qui, pour verifier les faits, avait parcouru
longtemps la Grece avant d'ecrire les Gestes du bienheureux Denis. La
conversation se prolongeant, Abelard, somme de s'expliquer, dit qu'on
ne pouvait mettre l'autorite d'Hilduin en balance avec celle de Bede,
revere de toute l'Eglise latine, et que, sur le fond de la question,
peu importait qui des deux Denis eut fonde l'abbaye, puisque tous deux
avaient obtenu la couronne celeste. L'indignation fut alors generale; on
s'ecria qu'il montrait bien qu'il avait de tout temps ete l'ennemi du
couvent, et qu'il voulait aujourd'hui fletrir l'honneur, non-seulement
de ce grand etablissement religieux, mais de tout le royaume dont
l'Areopagite avait toujours ete le glorieux patron; et l'on courut
rendre compte a l'abbe du scandale dont on venait d'etre temoin.
Celui-ci se hata d'assembler le chapitre; puis, en presence de la
congregation entiere, il menaca Abelard d'envoyer aussitot au roi qui
tirerait une reparation eclatante d'une si monstrueuse offense. Il
semblait que l'imprudent lecteur de Bede eut porte la main sur la
couronne. Il s'excusa de son mieux, et offrit, s'il avait manque a la
discipline, de reparer sa faute; mais ce fut en vain, et l'abbe ordonna
de le bien surveiller jusqu'a ce qu'il le remit au roi.
[Note 130: Act. XVII, 34.--Bede le Venerable, pretre anglo-saxon, a
compose, au VIIe siecle, sur la philosophie, les sciences, l'histoire
ecclesiastique et l'Ecriture sainte, des ouvrages tres-remarquables pour
son temps. Le passage auquel Abelard fait allusion se trouve dans les
_Expositions du Nouveau Testament._ (Bed. Ven. _Op._. t. V, _Exp. Act.
Apost.,_ c. XVII.) Quant a la question, les moines de Saint-Denis
avaient tort sur un point; on ne peut plus soutenir raisonnablement
aujourd'hui que Denis l'Areopagite, martyr du Ier siecle, soit le Denis
patron de la France, apotre de Paris, et qui mourut vers le milieu du
IIIe. Mais il y a erreur dans Bede; l'Areopagite a bien ete eveque
d'Athenes; et l'eveque de Corinthe, qui n'est pas l'Areopagite, est
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