et que des juges choisis
prononcent et punissent ou le calomniateur ou l'heretique. Pour lui, il
remercie le ciel d'avoir a combattre pour la foi, et d'etre en butte aux
traits d'un homme qui n'a jamais eu d'inimitie que contre les gens de
bien, de celui qui a ose attaquer dans une epitre _le heraut du Christ_,
Robert d'Arbrissel, et se repandre en outrages contre _ce magnifique
docteur de l'Eglise_, Anselme, archeveque de Cantorbery[105], d'un
homme dont l'indocilite merita que le roi d'Angleterre le bannit de son
royaume, et qui n'a pas sans peine sauve sa vie par la fuite. Et c'est
cet homme deshonore qui veut etendre a d'autres son infamie! Cet homme,
proscrit de deux royaumes, fustige, dit-on, par les chanoines dans
l'eglise de Saint-Martin, dont il est chanoine aussi pour la honte du
sanctuaire, cet homme que sa vie et sa foi denoncent assez, Abelard ne
le nommera pas. "C'est ce faux dialecticien et ce faux chretien
qui ayant pretendu qu'aucune chose n'a de parties, a ete contraint
d'admettre que lorsque le Seigneur mangea, comme le dit saint Luc,
un morceau de poisson roti, ce qu'il mangea fut une partie du mot de
_poisson roti_. Or, est-il etrange que celui qui a leve la tete contre
le ciel, extravague sur la terre, et veuille perdre les autres apres
s'etre perdu[106]?"
[Note 105: "Egregium illum praeconem Christi... magnificum Ecclesiae
doctorem." Les deux personnages sont bien caracterises. Robert
d'Arbrissel fut un predicateur, une sorte de missionnaire plus celebre
par la piete que par le talent. On lui dut plusieurs fondations, entre
autres celle de Fontevrault. On ne sait pas dans quelle occasion il
fut attaque par Roscelin. C'est a tort qu'on a essaye d'attribuer a ce
dernier, soit la lettre de Godefroi, abbe de Vendome, soit celle de
Marbode, dans lesquelles des conseils a la fois charitables et severes
sont adresses a Robert d'Arbrissel. Les auteurs de l'_Histoire
litteraire_ ne me paraissent laisser subsister aucun doute a cet egard.
Quant aux attaques de Roscelin contre saint Anselme, elles sont fort
connues, et elles contribuerent a le faire chasser de l'Angleterre ou
il s'etait refugie apres avoir ete chasse de France. (_Journal des
Savants_, ann. 1682, p. 191.--_Hist. litt_., t. IX, p. 364; t. X, p.
359.)]
[Note 106: Tel est l'extrait de la lettre intitulee _G. Dei gratia
parisiacae sedis episcopo unaque venerabili ejusdem ecclesiae clero P_.
(Pars II, cp. XXI, p. 334.) Plusieurs details font
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