aris, dont le metropolitain etait a Sens. Tout au plus pouvait-on
dire que le lieu ou il avait enseigne se trouvait dans une partie du
territoire de Champagne, dependante de la province de Reims. Mais il
n'eleva aucune difficulte; il etait loin de se refuser aux epreuves
et aux discussions publiques, et il les avait en quelque sorte
demandees[112].
[Note 111: Province de Reims ou Belgique seconde. Les suffragants
de l'archeveque de Reims, en 1121, etaient probablement les eveques de
Soissons, d'Arras, de Laon, de Beauvais, de Chalons, de Noyon, d'Amiens,
de Senlis et de Terouenne. On ignore quels sont ceux de ces prelats qui
assisterent au concile. Il y en eut sans doute tres-peu; on verra plus
bas que l'assemblee n'etait pas nombreuse. La presence de Lisiard de
Crespy, eveque de Soissons, est seule attestee. (_Gall. Christ_., t. IX,
passim.)]
[Note 112: Mais cette demande etait adressee a l'eveque de Paris.
Voyez ci-dessus p. 81, et dans les Oeuvres, p. 334. Quant a la
competence, resultant du lieu ou l'enseignement avait ete donne, je ne
l'indique que comme une hypothese.]
Lorsqu'il arriva a Soissons (1121), il trouva le clerge et le peuple
mal disposes pour lui. On avait repandu les bruits les plus facheux; il
passait pour avoir ecrit et preche qu'il y avait trois Dieux, en sorte
que, dans les premiers jours, quelques-uns de ses disciples faillirent
etre lapides par le peuple[113]. C'etait assurement une situation toute
neuve pour Abelard.
[Note 113: Le peuple de Soissons etait fanatique. Peu d'annees
auparavant, il avait brule de son propre mouvement un homme soupconne de
manicheisme. (Le P. Longueval, _Hist. de l'Eglise gall_., t. VIII, l.
XXIV, p. 414.)]
Il alla d'abord droit au legat, et lui remit son livre, deferant
d'avance au jugement de cet eveque, et declarant que, s'il avait rien
emis qui s'eloignat de la foi catholique, il etait pret a le corriger
et a donner toute satisfaction, declaration qui se lisait deja dans
l'ouvrage meme[114]. Le legat embarrasse le lui rendit, en lui disant
de le porter a l'archeveque et a ses conseillers, accusateurs devenus
juges. L'ordre fut execute; mais les nouveaux censeurs regarderent,
feuilleterent le manuscrit sans y rien trouver a reprendre, du moins
en presence de l'auteur, et ils renvoyerent le jugement a la fin du
concile. Avant meme qu'il ne s'ouvrit, Abelard s'etait efforce de se
ressaisir du public. Partout et devant tous, il developpait chaque
jour la
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