Mass.
_Annal._, lib. III, p. 239.--Hug., Metel, ep. xvi et xvii.--Bayle, art.
_Heloise_.--_Hist. lit._, t. XII, p. 629 et suiv.--_Essai sur la vie et
les ecrits d'Abelard_, par Mme Guizot, p. 349.)]
Orpheline et pauvre, elle habitait pres des ecoles, dans la maison de
son oncle; mais on croit qu'elle etait de noble naissance, ou du moins
liee par le sang, peut-etre par Hersende, sa mere, a une famille
illustre, a la famille des Montmorency, qui avait deja donne a l'Etat
deux connetables[57]. Elevee dans sa premiere enfance au couvent
d'Argenteuil, pres de Paris, son oncle l'avait instruite dans la science
litteraire, ce qui etait rare chez les femmes[58]. Elle y avait fait des
progres surprenants, jusque-la qu'en pretendait qu'elle savait, avec
le latin, le grec et l'hebreu[59]. Sa figure, sans avoir une parfaite
beaute, l'aurait distinguee; mais sa veritable distinction etait
ailleurs. Son esprit et son instruction avaient fait connaitre son nom
dans tout le royaume[60]. On ne sait pas quand Abelard la vit ni comment
il la rencontra. On dirait presque, a lire son recit, qu'il ne l'aima
qu'avec premeditation, qu'il devint son amant systematiquement, et qu'il
arreta sur elle ses regards comme sur la passion la plus digne de
lui, et, le dirai-je? la plus facile. Mais c'est souvent le propre et
l'illusion des esprits reflechis et raisonneurs que de prendre leur
penchant pour un choix, et de croire que leurs entrainements ont ete des
calculs. Toujours est-il qu'Abelard nous raconte qu'avec son nom, sa
jeunesse, sa figure, il ne devait craindre aucun refus, quelle que fut
celle qu'il daignat aimer; mais qu'Heloise menait une vie retiree, que
le gout de la science creait entre elle et lui une relation naturelle,
que cette communaute de travaux et d'idees devait autoriser un libre
commerce de lettres et d'entretiens, et que c'est tout cela qui le
decida. Il se trompe, un noble et secret instinct lui disait qu'il
devait aimer celle qui n'avait point d'egale.
[Note 57: Alberic et Thibauld de Montmorency, tous deux vers la fin
du XIe siecle. Nul ne dit comment Heloise eut appartenu a cette famille.
Si c'etait une parente legitime, ce devait etre par les femmes. Bayle
ne croit point a cette parente, Heloise disant a Abelard, en quelque
endroit: _Genus meum sublimaveras_. Cette raison n'est pas decisive.
(_Ab. Op._, ep. iv, p. 57.) C'est une pure conjecture de Turlot que de
donner pour mere a Heloise la premiere abbesse de Sain
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